L’agriculture urbaine se développe doucement et pose de nombreuses questions.
Où la placer dans l’écosystème agricole ? À quels enjeux peut-elle répondre ? Quels freins peut-elle soulever ?
Nous vous proposons quelques pistes
Face à la pression démographique, l’appauvrissement de nos sols et les changements climatiques, la question de la sécurité alimentaire est plus que jamais un enjeu majeur. En effet, selon l’ONU, les projections disent que nous serons 9,7 milliards sur Terre en 2050. En parallèle à cela, chaque année, des terres agricoles disparaissent en raison de l’expansion du milieu urbain. Par exemple, en Gironde,1800 ha se perdent chaque année et, selon l’Agreste, nous avons perdu 687 640 ha de Surface Agricole Utile (SAU) en dix ans, l’équivalent du département du Morbihan ou de la Nièvre. Bien que nous connaissions un ralentissement ces derniers temps, la tendance n’est pas à la diminution. L’agriculture urbaine apparaît donc ici comme un levier pour nourrir la planète. Cependant, celle-ci pourrait nourrir au maximum 10% des villes et ne sera donc pas capable à elle seule de résoudre ce problème d’alimentation mondiale, mais fera partie intégrante du panel de solutions, en synergie avec l’agriculture en milieu rural. De plus, l’agriculture urbaine, grâce à ses différentes formes, permet de trouver des nouveaux usages à certains espaces délaissés (comme les espaces interstitiels) et ainsi d’optimiser l’espace en ville.
L’agriculture intensive, la sélection des semences pour leur conservation et non pour leur richesse en nutriment, associées à l’appauvrissement des sols font qu’aujourd’hui, nos aliments en circuit traditionnel sont de moins en moins riches en nutriments. La production en milieu urbain des aliments permet de rapprocher les lieux de production et de consommation et ainsi de cultiver des fruits et légumes rustiques et variés. En offrant des aliments riches en milieu urbain, l’agriculture urbaine est un excellent levier pour contrer les problèmes de santé publique liés à l’alimentation. Par ailleurs, c’est un excellent outil à fonction sociale et sociétale en permettant la sensibilisation et l’éducation à l’environnement, et en étant une source d’intégration sociale, de responsabilisation et de formation (horticulture, alimentation, etc.). Les points précédents, associés à l’activité physique liée au jardinage, permettent d’apporter des habitudes saines dans les villes, améliorant la santé humaine.
Par ailleurs, notre agriculture est vieillissante et de nombreux agriculteurs peinent à transmettre leur exploitation par manque de candidat. Là encore l’agriculture urbaine a son rôle à jouer en initiant de nombreuses personnes aux métiers de l’agriculture. De plus, elle apporte d’autres bénéfices dont certains qui lui sont propres : proximité du lieu de vie et de travail, réintégration des parcelles agricoles dans la ville, régularisation des revenus (qui ne reposent pas uniquement sur les productions), diversification des activités (pédagogiques, événementiel, ateliers agricoles etc.).
De manière générale, l’agriculture urbaine est une des cartes à jouer pour répondre à certains enjeux économiques. Selon la FAO, un jardin de 100 m2 peut générer un emploi dans la production horticole, la fourniture d’intrants, la commercialisation et la création de valeur ajoutée du producteur au consommateur. De plus, elle permet de générer de la valeur en étant souvent dans une logique d’économie sociale et solidaire, en permettant l’augmentation des circuits courts et en étant une vitrine pour les aliments locaux. Également, l’attrait pour l’agriculture urbaine va peut-être motiver les agriculteurs de milieu rural à produire de façon plus responsable (soucieux des écosystèmes, sans utilisation de produits phytosanitaires, rotation longue, sans labour, etc.) avec des conséquences positives sur notre environnement.
Enfin, l’agriculture urbaine permet d’améliorer le cadre de vie et les paysages urbains en réintroduisant la nature en ville. Cela permet de créer des continuités écologiques et donc une augmentation de la biodiversité en ville, d’améliorer la gestion écologique des déchets organiques, des eaux de pluie, de lutter contre les îlots de chaleur, l’érosion des sols et contre le changement climatique. Nombreux de ses points peuvent être également permis par une gestion responsable de ses espaces verts.
Pour finir, rappelons qu’un kilogramme de fraises importées d’Espagne par camion nuit moins au climat qu’un kilogramme de fraises locales cultivées sous serre chauffée ! Consommons aussi de saison !
Pauline HERRMANN – Consultante Biodiversité
Sources :
- Collectivités viables
- FAO
- Agreste
- Alimentarium