« Nous n’avons qu’une quantité limitée de forêts, d’eau, de terre. Si vous transformez tout en climatiseurs, en pommes frites, en voitures, à un moment vous n’aurez plus rien. » Arundhati Roy
Les entreprises ont un rôle majeur envers la biodiversité tant sur les impacts de leurs activités sur les espèces et les milieux naturels que par les bénéfices qu’elles peuvent tirer des biens et des services fournis par la nature (services écosystémiques). La biodiversité est partie intégrante du modèle économique de presque toutes les sociétés, quel que soit leur taille ou leur secteur d’activité. Elle offre aussi de belles opportunités lorsque celle-ci est intégrée dans la stratégie d’entreprise.
Timidement, l’État Français, l’Union Européenne et les Nations Unies mettent en place des réglementations valorisant la biodiversité auprès des entreprises. Omniprésente dans le Pacte Mondial pour l’environnement, récurrente dans les Objectifs de Développement Durable et portée par notre ministre de la Transition Écologique et Solidaire, la biodiversité commence à devenir une thématique inévitable. Alors aujourd’hui, quelles sont les obligations des entreprises en matière de biodiversité ?
Une prise en compte dans le contexte institutionnel et réglementaire mondial
Les Objectifs de Développement Durable (ODD) sont des appels mondiaux à préserver notre environnement, à éradiquer la pauvreté et à faire en sorte que tous les êtres humains vivent également, en paix et de manière prospère. Les ODD sont des lignes directrices qui encouragent les pays membres de l’ONU à mettre en place des réglementations autour de ces sujets.
L’ODD 14 est essentiellement basé sur la conservation des océans et incite les pays et les entreprises à les exploiter de façon plus durable. Les entreprises doivent prévenir et réduire nettement la pollution tellurique marine, y compris les déchets.
L’ODD 15 quant à lui, vise la biodiversité terrestre. Il encourage à préserver et à restaurer les écosystèmes terrestres en veillant à les exploiter de façon durable : en gérant durablement les forêts, en luttant contre la désertification, en essayant d’enrayer et d’inverser le processus de dégradation des sols et en limitant l’appauvrissement de la biodiversité.
Vastes projets, mais peu à peu, l’état français s’inspire de ces objectifs pour voter des lois en faveur de la biodiversité. Prendre en compte et intégrer la biodiversité aujourd’hui dans sa stratégie d’entreprise permet donc d’anticiper les réglementations de demain.
Loi pour la reconquête de la Biodiversité, de la nature et des paysages
La France renforce les obligations des entreprises en matière de biodiversité. En août 2016, la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été votée.
De nouveaux principes ont alors étés développés :
- La loi oblige les entreprises à prévenir et réparer les préjudices écologiques considérés comme étant “une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions écosystémiques ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement”.
- Toute atteinte à la biodiversité prévue ou prévisible doit être compensée dans le respect de leurs équivalence écologique. La compensation vise l’absence de perte, voire même un gain en matière de biodiversité, bien qu’aucune compensation de biodiversité “artificielle” n’équivaille la perte d’un écosystème naturel
- La loi renforce également, l’inventaire du patrimoine naturel. Les maitres d’ouvrages, publics ou privés doivent contribuer à cet inventaire par le versement des données brutes de biodiversité acquises durant leurs études d’évaluation ou de suivi des impacts réalisées dans le cadre des projets d’aménagement.
Le vivant, davantage à l’abri des appétits
La loi pour la reconquête de la biodiversité aborde plusieurs points destinés à la protéger :
- L’utilisation des insecticides néonicotinoïdes (insecticides “tueurs d’abeilles”) est interdite à compter du 1er septembre 2018. Toutefois, certaines entreprises ont la possibilité d’obtenir des dérogations jusqu’au 1er juillet 2020. Le délit de trafic de produits phytosanitaires en bande organisée est créé.
- Les échanges de semences paysannes sont enfin rendus possibles entre paysans et jardiniers amateurs
- Augmentation notable des sanctions pour atteinte à des espèces protégées, avec des peines de prison encourues deux fois plus longues et des amendes dix fois plus élevées.
- La loi a également durci les amendes contre le commerce illicite d’espèces considérées comme protégées.
- Le protocole international de Nagoya a été traduit dans la loi française. Des limites claires à la brevetabilité du vivant ont enfin été posées : une caractéristique d’une plante, qu’elle soit naturelle ou obtenue par la sélection classique (comme la résistance à un parasite) ne peut être breveté.
- Enfin, l’Agence Française pour la Biodiversité a été créé. Son rôle est d’œuvrer en faveur d’une préservation améliorée et de mieux coordonner la gestion des espaces naturels, de la faune et de la flore au sein des services de l’état.
L’immobilier, un secteur surveillé
Pour les centres commerciaux, la loi autorise la construction de nouveaux bâtiments uniquement s’ils intègrent :
- Sur tout ou une partie de leurs toitures, et de façon non exclusive, soit des procédés de production d’énergies renouvelables, soit un système de végétalisation basé sur un mode de culture garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation, et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, soit d’autres dispositifs aboutissant au même résultat.
- Sur les aires de stationnement, des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation, et préservant les fonctions écologiques des sols. Cette disposition s’applique aux permis de construire dont la demande est déposée à compter du 1er mars 2017.
Comment se préparer aux futures réglementations en terme de biodiversité ?
Fin 2015, le gouvernement avait annoncé le Plan Ecophyto 2 avec pour objectif : réduire les pesticides de 50% à l’horizon 2025. Les agriculteurs doivent concevoir de nouveaux systèmes de cultures afin de limiter voire éliminer totalement les pesticides de leurs cultures. La prise de conscience des consommateurs se reflète dans leurs habitudes d’achats, ils délaissent peu à peu les fruits et légumes contenant des pesticides pour une alimentation plus durable.
Les entreprises cotées en bourse ont déjà pour obligation de produire un reporting social et environnemental. Il incite les entreprises à rendre compte des impacts de leurs activités et de leurs décisions sur l’environnement. Cependant, il existe une grande disparité dans la façon dont les sociétés communiquent sur leurs incidences environnementales. Nous pouvons imaginer qu’un cadre plus contraignant soit fixé et que l’obligation s’étende aux plus petites entreprises.
Charlotte Catrou, Chargée de communication