mobilite | 27/07/23

Mai à Vélo, Semaine Européenne de la Mobilité : la conduite du changement de comportement en faveur des mobilités durables

Mai à Vélo, Semaine Européenne de la Mobilité : la conduite du changement de comportement en faveur des mobilités durables

Des comportements déterminés par une multitude de facteurs et de nombreux leviers pour les faire évoluer

Par définition, la conduite du changement de comportement fait référence à l’ensemble des processus, des stratégies, et des actions mises en œuvre pour amener les individus à modifier leurs comportements, leurs habitudes ou leurs attitudes dans le cadre d’un objectif spécifique. Elle repose sur la compréhension que les comportements humains sont influencés par de multiples facteurs, tels que les croyances, les motivations, les valeurs, les normes sociales, les environnements physiques, les incitations, etc. Ce constat que des déterminants sociaux impactent nos comportements se retrouvent dans de nombreux travaux, notamment en psychologie, et traitant de la voie de la persuasion (Girandola, 2003 ; Hovland, Janis, &Kelley, 1953 ; Petty &Cacioppo, 1986 ; Petty, Fazio, &Briñol, 2009 ; Yzerbyt &Corneille, 1994). Ces travaux avancent le postulat que « la modification des attitudes et croyances des individus entraine la modification des comportements »1>. Ainsi, dans leurs travaux de 2008, Girandola et Joule démontrent que les campagnes de persuasion ont des effets avérés sur la modification des savoirs, des connaissances et des croyances (en outre, une efficacité pour mener des politiques de sensibilisation), mais peu sur la modification des intentions comportementales et sur les comportements eux-mêmes. Ainsi, pour agir sur les comportements, il faudra non seulement agir sur ces déterminants sociaux, mais pas uniquement.

Il existe ainsi plusieurs leviers pour conduire le changement vers des pratiques de mobilité durable, comme par exemple la mise en place d’infrastructures et de services adaptés, l’incitation financière, les innovations technologiques, ou bien la sensibilisation, l’éducation et le partage d’expériences que l’on peut actionner lors de grands évènements nationaux et internationaux, à l’instar de la Semaine Européenne de la Mobilité ou Mai à Vélo par exemple, et la mise en place de politiques favorables comme dans la mise en œuvre d’un Plan de Mobilité Employeur par exemple. Mais Anaïs Rocci, dans sa thèse « De l’automobilité à la multimodalité ? : analyse sociologique des freins et leviers au changement de comportements vers une réduction de l’usage de la voiture : le cas de la région parisienne et perspective internationale » publiée en 2007 nous alerte sur la place centrale qu’occupe le capital mobilité dans la construction de nos comportements de déplacement, et surtout sur le fait que la probabilité de report modal repose sur cette notion de capital mobilité pour chaque personne. Entendons par capital mobilité l’ensemble des informations et représentations des différentes alternatives en matière de transport d’un individu.

Ainsi, il est important de combiner plusieurs des leviers et d’adapter les actions en fonction du contexte local. La coordination entre les différents acteurs, la communication efficace et la volonté politique sont essentielles pour actionner ces leviers. C’est pourquoi l’engagement de toutes les parties prenantes est le fil rouge de toute démarche de conduite du changement de comportement. Afin d’engager un changement global des comportements de mobilité au quotidien, il faut pouvoir encourager la participation active et la coopération entre ces différents acteurs afin de créer une vision partagée de la mobilité durable et mettre en œuvre des initiatives conjointes.

C’est notamment cette volonté de rassembler toutes les parties prenantes autour de thématiques dédiées, et d’inscrire la participation active de tous les publics, que les temps forts à l’image de « Mai à Vélo » ou de la « Semaine Européenne de la Mobilité » ont été créés, et font d’eux de véritables outils de la conduite du changement à grande échelle.

 

Des évènements nationaux et internationaux annuels comme socles de la conduite du changement de comportements

 

La Semaine Européenne de la Mobilité

La Semaine Européenne de la Mobilité est une campagne annuelle se déroulant du 16 au 22 septembre dans toute l’Europe. Elle vise à promouvoir des modes de transport et des mobilités plus durables, tels que la marche, le vélo, les transports en commun et le covoiturage, tout en réduisant l’utilisation de la voiture individuelle. Cet évènement a été lancé pour la première fois en 2002 par la Commission Européenne afin de sensibiliser les citoyens et les autorités locales aux bénéfices de la mobilité durable tout en encourageant l’adpotion de comportements de déplacement plus respectueux de l’environnement.

Chaque année, un thème spécifique est choisi pour cette semaine afin de concentrer les efforts et les activités des participants. En 2022, le mot d’ordre était l’intermodalité et la combinaison des modes de déplacement dans nos trajets. En 2023, la ligne directrice des actions sera l’économie d’énergie et comment rendre nos déplacements plus sobres.

Pendant la Semaine Européenne de la Mobilité, de nombreuses municipalités organisent des évènements et des activités pour encourager les citoyens à essayer des modes de transport plus durables. Cela peut inclure des journées sans voiture, des ateliers sur le vélo, des promotions spéciales pour les transports en commun, des concours de mobilité, des campagnes de sensibilisation, etc. L’objectif de cet évènement est également d’encourager les autorités locales à mettre en œuvre des politiques et des infrastructures en faveur de la mobilité durable et son développement, afin de pérenniser les changements de comportement opérés lors de ces temps forts.

Plusieurs leviers de la conduite du changement peuvent être actionnés lors de cette semaine, comme la sensibilisation aux enjeux de nos pratiques (environnementaux, économiques, de santé publique), l’expérimentation de nouvelles pratiques en permettant aux individus d’essayer de nouveaux modes de déplacement et à prendre conscience de leur accessibilité et de leur praticité. En effet, de nombreuses collectivités mettent en place des aménagements et organisent des activités pour promouvoir les modes de déplacement durables, à l’image d’ateliers d’autoréparation de vélos (Métropole de Lyon, 2023), l’amélioration du réseau de pistes cyclables (Perpignan, 2011) la piétonnisation d’axes en centre-ville (Lleida, 2008) ou la refonte de la politique de stationnement en voirie (Wuppertal, 2019). Ces expérimentations permettent aux individus de tester et vivre de façon concrète les avantages des modes alternatifs, mais permettent également aux collectivités de développer de nouvelles pratiques, questionner les actuelles et les faire évoluer au regard des enjeux à venir. Les actions en lien avec cette semaine ont donc plusieurs portées et visent différents leviers de la conduite du changement de comportement (éducation, sensibilisation, expérimentation, incitation, …).

Dans l’ensemble, la Semaine Européenne de la Mobilité joue un rôle essentiel dans la promotion et le développement de nouveaux comportements de mobilité. À titre illustratif, l’édition 2022 a permis de rassembler près de 3000 collectivités et de réaliser plus de 1400 opérations dans 57 pays différents.

 

Mai à Vélo

Dans la lignée de la Semaine Européenne de la Mobilité, « Mai à Vélo » est une initiative qui encourage la pratique du vélo pour ses déplacements quotidiens, en France, pendant tout le mois de mai. Lancée en 2019, « Mai à Vélo » vise à sensibiliser le public aux avantages du vélo en termes de santé, d’environnement, de fluidité du trafic et de qualité de vie. Ce temps est l’occasion pour les collectivités locales mais également les entreprises partenaires d’organiser des sorties cyclistes collectives, des ateliers de réparation de vélos, des formations à la sécurité routière à vélo, des conférences sur la mobilité durable, des expositions, des challenges (à l’image du Challenge Géovélo) et d’autres activités liées au vélo.

Au même titre que la Semaine Européenne de la Mobilité, l’opération « Mai à Vélo » se révèle être un outil efficace pour la conduite du changement de nos comportements de mobilité, et ce de plusieurs manières :

  • Par la sensibilisation : l’opération met en lumière les avantages du vélo en tant que mode de déplacement alternatif et durable. Elle sensibilise les individus aux bénéfices apportés par l’utilisation du vélo (écologiques, économiques, sanitaires, et de qualité de vie). Ainsi, elle vise à reconsidérer l’attractivité du vélo et sa pertinence parmi les modes de déplacement existants.
  • Promouvoir le vélo comme moyen de transport du quotidien : en organisant des évènements et des activités axées sur le vélo, l’opération « Mai à Vélo » encourage les individus à adopter le vélo comme mode de déplacement régulier. Elle met en évidence que le vélo peut être utilisé pour nos besoins du quotidien.
  • Créer une dynamique sociale : Ce temps fort rassemble les amateurs de vélo et contribue ainsi au développement d’une communauté locale de cycliste². En organisant des sorties cyclistes collectives, des challenges et autres activités (ateliers d’autoréparation, ateliers de remise en selle, …) cette opération favorise les échanges d’expériences, de conseils et de motivations entre les participants et les curieux. Cette dynamique sociale peut contribuer à renforcer l’engagement des individus envers le vélo, bénéficier d’un soutien mutuel et créer un sentiment d’appartenance à une communauté partageant les mêmes valeurs.
  • Mettre en place des infrastructures et des politiques favorables au vélo : l’opération « Mai à Vélo » met également l’accent sur l’amélioration des infrastructures cyclables et encourage les autorités locales à soutenir le développement du vélo dans leur territoire. En mettant en évidence la demande et les problématiques territoriales, elle peut influencer les décideurs politiques à investir davantage dans les aménagements cyclables et à mettre en place des politiques favorables au vélo, ce qui facilite l’adoption du vélo comme mode de déplacement du quotidien.

En combinant ces différents leviers, cette opération peut largement contribuer à un changement positif des comportements de mobilité en encourageant les individus à opter pour le vélo comme mode de déplacement régulier.

 

La conduite du changement : un processus complexe défini par différentes étapes

En résumé, la conduite du changement de comportement est conditionnée par l’activation de différents leviers pour toucher une multitude de publics, encourager la mutation de leurs pratiques et les accompagner en fonction de leur position dans leur schéma de changement (cf illustration 1). En effet, la conduite du changement de comportement comprend généralement plusieurs étapes qui sont :

  • La sensibilisation et la pré-contemplation : cette étape consiste à sensibiliser les individus à l’existence d’un problème ou d’un comportement indésirable. Ils peuvent ne pas être conscients des conséquences négatives de leur comportement actuel ou de l’importance d’un changement. L’objectif principal est de susciter une prise de conscience et de faire naître une préoccupation quant à la nécessité de changer.
  • La contemplation : à cette étape, les individus reconnaissent qu’il y a un problème et envisagent le changement de comportement, notamment en pesant les avantages et inconvénients de ce changement et en réfléchissant aux obstacles potentiels.
  • La préparation : les individus se considèrent comme prêts à passer le cap du changement et commencent à se préparer activement à cette modification de comportement, en identifiant les ressources à mobiliser et en prenant les mesures nécessaires pour faciliter le processus de changement.
  • L’action : l’individu met en œuvre activement les changements de comportement, en passant de la simple intention à l’action concrète.
  • Le maintien : après l’adoption du nouveau comportement, il est important de le pérenniser, notamment face aux défis et obstacles qui pourraient les faire rechuter, les faire revenir à leur comportement précédent. Le maintien du changement nécessite la consolidation des nouvelles habitudes, la gestion des éventuelles rechutes, le renforcement et la valorisation des bénéfices obtenus.
  • L’évaluation : tout au long du processus de changement, il est important d’évaluer les progrès réalisés, et les résultats obtenus. Cela permet de déterminer si le nouveau comportement est efficace, s’il répond aux attentes et s’il est durable. L’évaluation peut conduire à des ajustements, des adaptations ou à la consolidation du changement.

 

 

Il est à souligner que le processus de conduite du changement de comportement est loin d’être linéaire, et les individus peuvent passer d’une étape à une autre de manière non séquentielle. Certaines personnes peuvent également faire face à des rechutes ou à des périodes de stagnation avant de progresser. Il est essentiel de fournir un soutien continu et des ressources adaptées à chaque étape du processus pour favoriser un changement de comportement réussi.

Ainsi, comme évoquées dans cet article, certaines approches couramment utilisées pour la conduite du changement comprennent l’éducation et la sensibilisation, les incitations et les récompenses, les campagnes de communication et d’information persuasives, l’engagement communautaire, le renforcement positif, la formation, le coaching et le suivi, etc. Il est important de noter que la conduite du changement peut être un processus complexe et nécessite souvent une approche holistique, prenant en compte les aspects individuels, sociaux et environnementaux qui influencent les comportements. De plus, les résultats de la conduite du changement peuvent varier d’une personne à l’autre, et il est souvent nécessaire de s’adapter et d’ajuster les approches en fonction des besoins et des circonstances spécifiques.

Alban GIRARD – Consultant Mobilités durables

 

Sources 

  1. Lolita Rubens, Xavier Brisbois, Patrick Gosling (2011). Persuader, engager ou les deux ? Promouvoir la volonté d’agir pour l’environnement (Tome 24). Revue Internationale de Psychologie Sociale
  2. Manon Abord de Chatillon, Manon Eskenazi (2022). Devenir cycliste, s’engager en cycliste : communautés de pratiques et apprentissage de la vélonomie. Sociologies

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