rse | 25/01/21

Raison d'être et crise sanitaire

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La raison d’être des entreprises mise à l’épreuve par la crise sanitaire ?

Depuis mai 2019, la loi Pacte permet aux entreprises d’adopter une raison d’être, c’est-à-dire de définir la façon dont elles entendent jouer un rôle dans la société, au-delà de leur seule activité économique. Qu’en est-il des actes et engagements associés à cette raison d’être face à la crise sanitaire et économique actuelle ? 

Survie économique des entreprises et raison d’être en stand-by

La crise liée au Covid-19 nous a montré que les entreprises ne sont pas des organisations indéfectibles. Face aux difficultés économiques qu’elles ont rencontrées, nombre d’entre elles se sont concentrées sur des enjeux de compétitivité et d’emploi à court terme. L’objectif principal a bien été de survivre au marasme dans lequel la crise les a propulsées. Sachant que 95 % des entreprises cherchent aujourd’hui à ne pas couler, agir en fonction d’une raison d’être, ou s’en doter d’une, n’est pas leur priorité.[1] Elles tentent plutôt de « faire mieux », en adaptant leur modèle commercial traditionnel afin de saisir de nouvelles opportunités de marché.

Si la loi Pacte a réussi à faire s’accorder dirigeants, parties prenantes et syndicats sur la nécessité de s’engager au-delà de la simple recherche de profits – 30 entreprises du CAC40 affichaient une raison d’être en juin 2020[2] -, la crise aurait pu initier une rupture de cette entente dans beaucoup d’entreprises. Et c’est compréhensible. L’engagement des entreprises au sujet de la responsabilité sociétale et environnementale est une transformation de long terme. Cela n’est pas sans risque, dans la mesure où la confiance et l’engagement des parties prenantes en la raison d’être de l’entreprise sont fortement liés aux actions de cette dernière. Pour autant, la grande majorité des sociétés n’ont pas abandonné leurs engagements sociétaux et environnementaux, malgré la situation économique actuelle. La crise n’a donc pas porté de coup fatal à la raison d’être, elle a tout au plus réduit le budget communication que ces entreprises lui dédiaient.

Réaffirmation de la nécessité d’une raison d’être en période de crise

Ainsi, une attitude bien plus optimiste que ce qu’aurait pu laisser présager le Covid-19 a émergé, attitude qui fait la part belle à la raison d’être. Certaines entreprises ont affirmé que la pandémie met en lumière de manière irréversible l’urgence écologique et sociétale dans laquelle nous vivons. L’Affaire du siècle, la première action judiciaire dans laquelle quatre ONG espèrent faire reconnaître la défaillance de l’État dans la lutte contre le réchauffement climatique – en témoigne. Pour ces entreprises, le seul moyen de maintenir leur activité, tout en agissant sur cette urgence réside, plus que jamais, dans l’adoption d’une raison d’être. La crise leur a fait prendre conscience de la nécessité d’une mobilisation collective, qu’une raison d’être peut largement favoriser.

En effet, 5 % des entreprises s’accommodent de la pandémie afin de ne pas en rester au stade du « faire mieux », mais d’évoluer vers un « être mieux », pour reprendre le terme de Navi Radju, conseiller en innovation et leadership. Concrètement, ces entreprises se redonnent une valeur nouvelle et aspirent à avoir un meilleur impact écologique et environnemental en examinant trois questions : Comment l’entreprise perçoit le monde (sa perspective) ? Pourquoi l’entreprise existe (sa raison d’être) ? Qui est l’entreprise (ses valeurs fondamentales, son identité) ? À ce sujet, le cas de Danone est particulièrement parlant, puisque le groupe a fait sien ce processus qui replace la raison d’être au cœur de la stratégie d’entreprise. En juin dernier, les actionnaires ont unanimement choisi de faire du groupe une société à mission, en s’engageant à « apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ». Pour autant, le plan de restructuration destiné à économiser 1 milliard d’€ d’ici 2023, annoncé moins d’un an plus tard par le groupe, révèle qu’il peut être délicat de respecter les engagements liés à sa raison d’être tout en performant économiquement. Se faisant, Danone est devenu, en pleine période de crise, le premier groupe côté en bourse à adopter un modèle de croissance rentable et durable.

Quel avenir pour la raison d’être ?

Face à ces cas de figure opposés – raison d’être mise de côté contre raison d’être mise au centre de l’entreprise – quid de son avenir ? Les mois à venir seront vraisemblablement cruciaux, car c’est bien durant les périodes de crise que la sincérité et la force d’une raison d’être se mesurent. Si le Covid-19 a pu fragiliser la raison d’être au profit de considérations purement économiques, la crise peut – et devrait – être surtout considérée comme un moment propice au renforcement de l’engagement des sociétés au profit d’une raison d’être.

Cette période instable que nous vivons actuellement, c’est l’opportunité de prouver que s’investir sur les plans sociaux et environnementaux grâce à l’adoption d’une raison rend les entreprises plus performantes, à tous points de vue. Bank of America Merrill Lynch a en effet noté que « les entreprises les plus « sociales » surperforment de 5 à 10 points en Bourse par rapport aux indices de référence ».[3] Il s’agira donc pour les entreprises de placer la raison d’être au niveau le plus stratégique, afin de donner jour à un modèle d’entreprise fondamentalement durable.

[1] Navi Radjou, « Ces trois grandes entreprises se sont réinventées pendant la crise du Covid-19 », WeDemain (12 Janvier 2021).
[2] Camille Lingre, « Les entreprises du CAC40 à l’âge de la raison d’être », Influencia (6 juillet 2020)
[3] Béatrice Héraud, « Face à la crise du Covid-19, les stratégies des entreprises les plus responsables et durables sont payantes », Novethic, 08 avril 2020. https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/face-a-la-crise-du-covid-19-les-strategies-durables-des-entreprises-sont-payantes-148420.html

Sources :

https://www.wedemain.fr/partager/ces-trois-grandes-entreprises-se-sont-reinventees-pendant-la-crise-du-covid-19/
https://www.franceculture.fr/economie/bertrand-valiorgue-2020-aurait-du-etre-lannee-de-la-raison-detre-des-entreprises
https://youmatter.world/fr/covid-19-rse-changement-paradigme/

Élisabeth de Courson – Consultante RSE

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