climat | 22/02/21

Du nutri-score au carbone-score

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Le carbone-score comme levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur alimentaire ?

L’industrie alimentaire représente un enjeu majeur dans la lutte contre les dérèglements climatiques. En effet, selon l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie), l’alimentation des ménages représente 24% de l’empreinte carbone des français (163 Mt d’eqCO2). Notamment à cause des rejets de méthane (CH4) provenant des élevages bovins et du protoxyde d’azote (N2O) liés à l’utilisation d’engrais azotés. Et si la part actuelle de l’industrie alimentaire dans les émissions de gaz à effet de serre pousse déjà à remettre en question nos modes de production et de consommation, l’étude des scénarios futurs rend cette réflexion (et les actions) aussi indispensable(s) qu’urgente(s). 

 

En effet, dans son rapport « healthy diets from sustainable food systems », la commission EAT-lancet étudie l’impact de l’agriculture sur les émissions de gaz à effet de serre, le changement d’utilisation des sols, l’utilisation de l’eau potable, les flux d’azote et de phosphore ainsi que la perte de biodiversité à l’horizon 2050 et le compare à l’objectif 2°C prévu par les accords de Paris. Le rapport propose ainsi d’établir les limites physiques que la Terre peut supporter pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique. Selon l’étude, les impacts de l’agriculture d’ici à 2050, si le régime alimentaire des êtres humains (notamment des occidentaux) ne change pas, entraineraient un dépassement des limites de la Terre allant de 20% pour l’utilisation d’eau potable à plus de 10 000% pour la biodiversité.

Agir sur l’alimentation est donc indispensable et des initiatives citoyennes, parfois reprises par les gouvernements, voient le jour afin de transformer le secteur

C’est le cas de la Convention Citoyenne pour le Climat qui réclame que l’empreinte carbone des produits de grande consommation soit communiquée. Cette demande fait également partie des recommandations du Haut Conseil sur le Climat : « Communiquer auprès des ménages l’empreinte climat des produits qu’ils consomment pour accompagner la transition vers une consommation bas-carbone. Cette mesure s’inscrit dans une démarche globale d’accompagnement vers la sobriété et d’information sur l’impact climat des produits par un « score carbone », qui doit être complété par d’autres indicateurs environnementaux ».

 

Le score carbone est ainsi un outil d’aide à la décision, qui permet au consommateur d’acheter un produit en connaissant son impact environnemental

Aujourd’hui, le prix, la marque, la provenance (et potentiellement le nutriscore pour certains produits) sont les principaux facteurs d’achat et il est très compliqué d’avoir une idée de l’impact environnemental réel des produits que l’on achète.

À l’heure actuelle, certaines marques communiquent sur la provenance de leurs produits ou sur les processus de fabrication de façon plus ou moins transparente. On voit en effet se multiplier les allégations du type « produit en France », « packaging à base de matériaux recyclés » ou autres qui sont d’ailleurs régulièrement exagérées. Par exemple, selon la réglementation publiée par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, pour qu’un produit puisse être considéré comme « fabriqué en France », il suffit que « la dernière transformation substantielle » soit effectuée en France.

Les labels peuvent jouer ce rôle de communicateurs et aiguiller les consommateurs à sélectionner des produits plus « vertueux », mais leur multiplication est contreproductive et complique fortement leur lisibilité. En effet, en 2016, l’UFC-Que Choisir a réalisé une enquête sur les labels alimentaires auprès de 3 608 abonnés. L’enquête, effectuée sur 13 labels, montre que pour plus de la moitié d’entre eux, le sens du label n’est pas clair auprès des consommateurs et qu’ils ne sont pas forcément tous repérables sur l’emballage.

Il s’agit donc d’harmoniser la communication pour que les consommateurs puissent comparer les produits entre eux à l’aide d’une méthodologie et d’un affichage communs. Mais si l’utilisation d’un score carbone pour les produits de grande consommation semble indispensable, sa mise en place n’est pas si simple. Étant basé sur la méthode de l’analyse de cycle de vie, le processus de récolte et d’analyse de données qui permet d’avoir un résultat précis pour chaque produit est long et peut être coûteux (notamment à cause du besoin d’accompagnement par un cabinet extérieur). Les plus petits acteurs pourraient donc voir l’obligation d’afficher un score carbone comme un frein vis-à-vis des plus grandes entreprises. De plus, la quantité de travail que représentent de telles analyses rendent la mesure infaisable à très court-terme.

La simplification de la méthode avec des données standards par secteur peut être une solution mais cela impliquerait forcément une perte de précision dans les résultats obtenus et affichés.

Si au niveau national, une potentielle législation rendant obligatoire le score carbone est en discussion, il est déjà utilisé par certaines entreprises sous diverses formes.

 

En France, l’Eco-Score développé par un collectif composé de La Fourche, Yuka, FoodChéri, Seazon, Marmiton, Etiquettable, Open Food Facts, ECO2 initiative, ScanUp, Frigo Magic avec la participation de l’ADEME, de l’INRAE et du Ministère de la Transition Ecologique, propose une évaluation de l’impact environnemental des aliments basée sur l’analyse de cycle de vie des produits. La note, comprise entre A et E suit le modèle du nutriscore et permet, en scannant un article, de connaitre son impact environnemental. Si la démarche est intéressante, l’accès à l’éco-score se fait à la demande du client. Rendre, à terme, sa communication obligatoire sur les produits alimentaires, pourrait en faire un vrai atout dans la stratégie nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À l’étranger, l’entreprise Quorn a mis au point son propre système. Début 2020, The Guardian citait Quorn comme étant la première grande marque à communiquer sur l’impact carbone de ses produits. En effet, la marque anglaise, spécialisée dans les substituts de viande végétaux, a choisi de communiquer l’impact carbone de ses produits directement sur l’emballage. Le but étant aussi de pouvoir comparer les émissions de leurs substituts à des équivalents viandes afin de supporter leur argument de vente.

Au Japon, le programme CFP (Carbon Footprint of Products) lancé en 2012 propose d’afficher les émissions de CO2 liées à un produit. Le label ne se limite pas aux produits alimentaires mais est utilisé sur tous types de produits de grande consommation. La simplicité visuelle du label le rend très facilement compréhensible. En effet il s’agit juste de la quantité de CO2e émise lors des différentes étapes de vie du produit (méthode de l’ACV) avec un logo « CO2 ». L’adhésion au programme se fait pour l’instant sur la base du volontariat, mais de nombreuses entreprises telles que Asics, Canon, Toshiba, Epson, Fujifilm ou Samsung entreprises ont déjà fait le choix d’y adhérer.

 

Certains exemples qui fonctionnent permettent donc d’être optimiste quant à la faisabilité du score carbone. De plus, il semblerait que la demande de la Convention Citoyenne pour le Climat fasse partie des mesures acceptées par le gouvernement. Cela permettra, à terme, aux consommateurs de bénéficier d’informations suffisantes pour adapter leur alimentation et baisser leur empreinte carbone. Mais il sera important de suivre de près la mise en place d’une telle mesure pour qu’elle ne perde pas son essence et remplisse son objectif : une communication claire et impartiale.

 

Sources :

 

Ronan LA SIERRA – Consultant Climat / Énergie

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