Comme explicité dans l’article précédent, il est essentiel de prendre en compte les enjeux climatiques dans la conception et l’exploitation d’un bâtiment. Pour rappel, le secteur de l’immobilier représente 50% des consommations énergétiques [1], et 20% des émissions de gaz à effet de serre françaises. [2]
Mais comment s’articule la prise en compte de ces enjeux climatiques ? Quels sont les leviers permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et de faire preuve de résilience face au changement climatique ?
Energie : quelles solutions pour limiter les consommations ?
Selon l’IFPEB, les consommations énergétiques représentent environ 40% des émissions de GES d’un projet de construction. Afin de réduire cet impact carbone, plusieurs leviers peuvent être :
Si ces divers travaux entraînent un bénéfice à long terme d’un point de vue environnemental et économique, l’investissement initial peut être conséquent pour les locataires ou propriétaires. En France, plusieurs aides financières, recensés par l’ONRE (l’Observatoire de la Rénovation Energétique), ont été mises en place pour diminuer leur coût : MaPrimRenov’, les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), l’Eco-Prêt à Taux Zéro (Eco-PTZ) ou les aides de l’Anah (“Habiter Mieux”). Les travaux de changement de vecteur énergétiques peuvent également être éligibles à des aides financières de l’Etat (par exemple, la prime « Coup de pouce chauffage »).
Modes constructifs : quelles alternatives au béton standard ?
Selon l’IFPEB, l’usage des matériaux représentent environ 60% des émissions de GES d’un projet de construction. Cela est notamment dû à l’utilisation massive du béton standard, mode constructif très émetteur de GES. Cependant, certains matériaux, moins carbonés peuvent être utilisés en substitution.
- Le béton bas carbone, de plus en plus populaire dans la sphère de la construction, pourrait être une alternative plus vertueuse pour l’environnement. Ce matériau correspond, en fait, à un béton réalisé avec un ciment bas carbone, utilisant des matériaux alternatifs au clinker. Aujourd’hui, il n’existe pas de définition normée d’un béton dit « bas carbone », mais la taxonomie européenne propose un seuil pour le ciment vert à environ 174 kgCO2e/m3 de béton, versus 210 kgCO2e/m3 pour un béton standard [6].
- La filière bois propose également des alternatives plus économes en carbone. Cela est d’autant plus pertinent que les arbres absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère pendant leur croissance (lorsque le bois est utilisé dans la construction, le carbone absorbé reste stocké dans le matériau). Cependant, le bois présente également certaines contraintes de construction : il s’agit d’un matériau couteux, ayant une faible inertie thermique et une sensibilité accrue à l’humidité. C’est pourquoi, aujourd’hui, la solution à favoriser est d’utiliser le bois en structure mixte (par exemple béton/bois).
- L’alternative la moins carbonée En effet, rénover un bâtiment (dont la structure est généralement en béton), permet de conserver des matériaux déjà existants, et donc de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre liées à la construction.
De manière générale, s’appuyer sur l’économie circulaire permet également de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’une opération de construction ou de réhabilitation. En effet, favoriser la déconstruction des bâtiments existants, et non leur démolition, permet de récupérer et réemployer des matériaux de construction, et limiter la production de matériaux neufs.
Risques physiques : comment faire preuve de résilience et anticiper les risques pour nos bâtiments ?
Les risques physiques induits par le changement climatique (canicules, inondations, incendies, sécheresse…) peuvent entraîner des conséquences sévères sur les bâtiments. Afin d’anticiper ces aléas climatiques, il est d’ores et déjà nécessaire d’imaginer de nouveaux modèles de bâtiments plus résilients.
Des stratégies de construction pourraient être, par exemple :
- L’élévation des bâtiments dans les zones sujettes aux inondations ou à la montée du niveau de la mer ;
- L’utilisation de matériaux résistants (par exemple des vitres renforcées, robustes face aux vents forts et débris volants) ;
- La création de zones de fraicheur (arbres, toits végétalisés) pour réduire le phénomène d’ilots de chaleur urbain ;
- L’intégration de systèmes d’énergies renouvelables (par exemple des panneaux solaires) ou de gestion des eaux .
La prise en compte des enjeux climatiques pourrait amener les acteurs de l’immobilier à repenser leurs projets en termes de matériaux, d’infrastructures de réseaux, d’usages ou de .
En ce sens, la conception bioclimatique est un axe d’amélioration pertinent. Ce concept est ancestral mais à peu à peu disparu avec l’homogénéisation des constructions au siècle dernier. Il permet de s’adapter aux caractéristiques propres du lieu d’implantation (climat, géographie), dans le but de diminuer les consommations énergétiques et d’améliorer le confort des occupants. Il prend notamment en compte l’orientation des façades, la position des végétaux, l’inertie thermique des matériaux et la ventilation naturelle.
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : la feuille de route de la décarbonation française
A l’échelle française, c’est la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) qui donne le rythme de la décarbonation du pays et identifie les principaux leviers à actionner. Adoptée en 2015 pour donner suite à la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), celle-ci a été révisée avec des objectifs plus ambitieux en 2020.
Véritable outil de planification, la SNBC prédéfinit des budgets carbones pour chaque secteur d’activité (l’énergie, les transports, le bâtiment, l’agriculture, la forêt, les déchets, etc.), dans le but d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Rappel : Le terme « neutralité carbone » décrit, à l’intérieur d’un périmètre donné, l’état d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère.
La SNBC prévoit notamment un budget carbone pour le secteur du bâtiment, qui définit seulement des objectifs relatifs aux consommations énergétiques. Les émissions associées à la construction sont, elles, comptabilisées dans la trajectoire de décarbonation de l’industrie
Les objectifs définis par la SNBC pour le secteur « bâtiment » sont les suivants :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 49% en 2030,
- Atteindre la décarbonation complète du secteur à horizon 2050. [7]
Ces objectifs, ambitieux, peuvent être atteints en actionnant les leviers précédemment évoqués : recourir uniquement à des énergies décarbonées et maximiser la production de ce type d’énergie in situ, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, faire d’importants efforts de sobriété et utiliser des modes constructifs moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétiques. [7]
Le budget carbone relatif à l’industrie (et donc aux matériaux de construction), lui, Ces chiffres peuvent être atteints notamment en accompagnant les entreprises dans leur transition vers des systèmes de production bas-carbone, en intensifiant la recherche et le développement de procédés de fabrication bas-carbone et en développant l’économie circulaire. [7]
Conclusion
Certains leviers de décarbonation, autour de l’énergie, des matériaux ou encore de la résilience des bâtiments, ont d’ores et déjà été identifiés. Ceux-ci étant mieux définis que pour d’autres secteurs d’activités, des objectifs ambitieux ont été fixés au secteur du bâtiment par la SNBC. Pour garantir le respect de ces objectifs et des diverses réglementations (en place ou émergentes), les acteurs de l’immobilier n’ont d’autres choix que de s’engager dans une transition bas carbone.
Léa BERRY, Consultante climat
Bibliographie
[1] Bilan énergétique 2021 de la France
[2] Chiffres clés du climat – Edition 2021
[4] Rapport sur l’état de l’environnement en France – les émissions des gaz à effet de serre du secteur résidentiel – Fiche thématique
[5] Retour d’expérience ekodev
[6] Le Hub des Prescripteurs Bas Carbone – IFPEB & Carbone 4 – Breif filière béton
[7] SNBC2: https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf