Alors que la conservation et la restauration des forêts s’impose comme un puissant levier d’action, permettant de lutter simultanément contre le réchauffement climatique et la disparition généralisée du vivant, les surfaces forestières ne cessent de diminuer, année après année. Aujourd’hui, le taux de déforestation diminue, mais ce sont encore 10 millions d’hectares de forêt qui étaient éliminés chaque année sur la période 2015-2020 [1].
Si les zones les plus touchées par la déforestation se situent en régions tropicales, les activités à l’origine de cette déforestation nous sont souvent bien plus proches. À l’échelle mondiale, l’Union Européenne (UE) est responsable de 16 % de la déforestation tropicale associée au commerce international, ce qui en fait le 2ème importateur mondial de déforestation tropicale, derrière la Chine, et devant les Etats-Unis, selon le WWF [2].
Pour limiter ces pressions, l’UE a publié en 2023 son « Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts », le RDUE.
RDUE : OBJECTIFS ET PRODUITS CONCERNÉS
Le Règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) no 995/2010 (RDUE) [3] a été publié au Journal officiel de l’UE le 9 juin 2023.
Ce règlement interdira, dès fin 2024, la mise sur le marché ou l’exportation depuis le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts (- déforestation ou dégradation ayant eu lieu après le 31 décembre 2020 -).
Le champ d’application du texte couvre sept commodités, considérées comme particulièrement à risque en matière de déforestation : café, cacao, caoutchouc, palmier à huile, soja, bovins et bois, ainsi que leurs produits dérivés comme l’huile de palme, le chocolat, les pneumatiques, le cuir, les panneaux de fibres de bois, le charbon de bois, ou encore le papier imprimé. Le texte se concentre sur la déforestation des « forêts » telles que définies par la FAO dans le « Global Forest Resources Assessment. Terms and definitions FRA 2020 [4] ».
Il est d’ores et déjà prévu d’étudier l’élargissement de ce champ d’application :
- En termes de matières premières concernées (élargir au maïs et au biocarburants notamment)
- Et en termes de définition de ce qu’est une surface déforestée ou dégradée : d’autres catégories pourraient très prochainement être concernées par le RDUE (tourbières, forêts plantées dans les dernières années, etc. …).
RDUE : QUELLES IMPLICATIONS POUR LES ENTREPRISES ?
À partir du 30 décembre 2024 pour les Grandes Entreprises, et du 30 juin 2025 pour les PME & TPE, tous les produits concernés par le Règlement, importés dans l’UE, ou exportés depuis l’UE par ces entités devront respecter 3 critères :
- Être « zéro déforestation »,
- Respecter la législation du pays de production,
- Faire l’objet d’une déclaration de diligence raisonnée.
Les sanctions en cas de non-conformité peuvent inclure :
- Le rappel puis la confiscation des produits ;
- La confiscation des revenus liés au produit ;
- L’interdiction de mise en marché de produits contenant le même produit de base,
- L’exclusion temporaire, pendant une période maximale de douze mois, des procédures de passation de marchés publics et de l’accès au financement public, y compris les procédures d’appels d’offres, les subventions et les concessions ;
- Une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel de l’entité dans l’UE.
COMMENT SE PRÉPARER DÈS AUJOURD’HUI ?
Étape 1 : assurer la traçabilité du produit, depuis la parcelle
Parmi les données à collecter, figurent ainsi :
- Le pays de production et la géolocalisation de toutes les parcelles (ou établissements pour les bovins) sur lesquelles ont été produits les produits de base
- La date ou la période de production
- Toute information « suffisamment concluante et vérifiable » attestant que les produits en cause sont Zéro Déforestation, et respectent la législation du pays de production.
Étape 2 : mesurer le risque de déforestation
Cette étape consiste à évaluer le niveau de risque de déforestation associé à chaque produit, en fonction de ses conditions de production.
L’Observatoire de l’UE sur la déforestation et la dégradation des forêts dans le monde (EUFO) [5] est un outil mobilisable pour cette étape, mettant à disposition du public des cartes permettant de visualiser l’évolution du couvert forestier depuis 2020 et des informations sur les flux commerciaux des produits concernés par le Règlement.
D’autres outils en ligne peuvent être utilisés comme Global Forest Watch.
Étape 3 : mettre en place un plan de gestion des risques de déforestation
L’objectif de cette étape est de structurer et déployer un plan d’action pour gérer les situations dans lesquelles il existe un risque non nul ou non négligeable en matière de déforestation.
Comme le mentionne le Règlement : « l’opérateur, avant de mettre les produits en cause sur le marché ou de les exporter, adopte des procédures et mesures d’atténuation du risque appropriées pour parvenir à un risque nul ou seulement négligeable ».
Étape 4 : déclarer les informations recueillies de façon transparente, via la procédure de diligence raisonnée
La déclaration de diligence raisonnée devra – entre autres – inclure :
- Le nom et l’adresse de l’opérateur et le numéro d’enregistrement et d’identification des opérateurs économiques (EORI) ;
- Le code du système harmonisé / la description sous forme de texte libre, y compris le nom commercial et, le cas échéant, le nom scientifique complet, et la quantité du produit en cause que l’opérateur a l’intention de mettre sur le marché ou d’exporter. […] ;
- Le pays de production et géolocalisation de toutes les parcelles où les produits de base en cause ont été produits. […] ;
- Si la déclaration se réfère à une déclaration existante, le numéro de référence de cette dernière ;
- La mention : « En présentant la présente déclaration de diligence raisonnée, l’opérateur certifie avoir fait preuve de la diligence raisonnée requise conformément au règlement 2023/1115 et confirme avoir constaté l’existence d’un risque nul ou seulement négligeable que les produits en cause ne soient pas conformes à l’article 3, point a) ou b), dudit règlement ».
Roxane DAUBIÉ, Consultante Biodiversité
Sources : [1] Résumé du rapport : la situation des forêts du monde – FAO (2022) | [2] #Together4Forests : une loi contre la déforestation | WWF France | [3] Règlement – 2023/1115 – EN – EUR-Lex (europa.eu) | [4] i8661en.pdf (fao.org) | [5] EU Forest Observatory (europa.eu)