biodiversite | 22/04/23

Climat et biodiversité : même combat ?

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À l’occasion de la journée de la Terre, nos équipes et celles de notre partenaire Impakt ont collaboré ensemble pour réfléchir au lien entre la biodiversité et le climat.

Pourquoi mettre en évidence ce lien ?

La biodiversité comme le climat traversent une crise sans précédent, qui nécessite de mobiliser tous les acteurs, y compris les entreprises, pour agir dans l’urgence. Si les médias parlent volontiers d’empreinte carbone et du rôle clé des acteurs économiques pour limiter le réchauffement climatique, ils ont tendance à passer sous silence la crise du vivant que nous traversons aujourd’hui. C’est pourquoi nous souhaitions aborder le sujet avec vous.

L’idée de cet article est de donner la parole aux expert climat et biodiversité pour vous expliquer les enjeux de la crise du vivant, sa relation avec le dérèglement climatique, la prise en compte de la biodiversité dans une démarche bilan carbone et l’implication nécessaire des entreprises pour faire face à la crise climatique et la crise du vivant.

 

En quoi consiste ton métier de consultant bas carbone ?

Corentin Golly (C.D)  : En tant que consultant bas carbone, j’accompagne les entreprises et collectivités à réduire leurs émissions carbone. Pour cela, je travaille au quotidien sur 3 leviers : comprendre, mesurer, agir.

Camille Crutel (C.C) : Il s’agit de prendre le temps de former et sensibiliser les collaborateurs d’entreprise aux enjeux énergie et climat avec un volet spécial sur le numérique, de mesurer les données d’activité, comptabiliser l’empreinte carbone associée et analyser les liens de dépendance aux énergies fossiles, et de les accompagner à définir et à mettre en place leur plan d’action de réduction pour qu’il soit aligné aux Accords de Paris.

 

En quoi consiste ton métier de consultante biodiversité ?

Roxane Daubié (R.D.) : En tant que consultante biodiversité, j’accompagne les organisations et les territoires dans toutes leurs démarches en faveur de la préservation et de la régénération de la biodiversité. Il s’agit pour cela notamment de mesurer leur « empreinte biodiversité », c’est à dire les pressions que leurs activités exercent sur la biodiversité, et d’identifier leurs enjeux en la matière, puis de les guider dans l’élaboration et le déploiement d’une stratégie, d’un plan d’action pour diminuer ces pressions et participer à la régénération de la biodiversité. Il y a également une grande partie de sensibilisation, et d’aide auprès de nos clients à mieux comprendre et à se familiariser avec cette notion de biodiversité, et tout ce qui en découle.

Le 22 avril, le monde célèbre la journée de la Terre. C’est l’occasion de mobiliser la société civile et les entreprises à agir pour préserver la planète bleue.

 

Comment ton activité contribue à la préservation de la planète ?

C.G : Notre mission consiste avant tout à limiter notre dépendance aux énergies et nos émissions de GES. En réduisant les émissions carbones des entreprises et des collectivités, nous avons un impact direct sur le climat : hausse de température, changements des précipitations, qualité des sols …et toutes les conséquences du dérèglement climatique sur la vie humaine et sur le vivant de manière générale : problème d’accessibilité à l’eau potable, artificialisation des sols, les famines, les maladies, les conflits armés, la perte de biodiversité etc…

R.D. : Dans notre travail, nous adressons un enjeu primordial : celui du vivant et de la crise du vivant. Aujourd’hui, sur les neuf limites planétaires définies par les scientifiques, et qui peuvent remettre en cause la viabilité de la biosphère, six sont considérées comme dépassées, et toutes les limites sont liées. Celles du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité sont toutes deux dépassées. « Aucun de ces enjeux ne sera résolu avec succès s’ils ne sont pas abordés ensembles » comme l’a précisé le dernier rapport commun du GIEC et de l’IPBES.

 

Si vous deviez donner une définition de la biodiversité à vos clients et les enjeux actuels, que diriez-vous ?

C.G : Je dirais que c’est la richesse du vivant, à la fois en termes de quantité et de diversité d’espèces. La biodiversité fait partie et fonctionne dans un écosystème avec un certain équilibre dynamique. Aujourd’hui l’équilibre sur lequel elle repose est très largement perturbé par les activités humaines… Tout comme le dérèglement climatique !

C.C : Plus qu’un déséquilibre, nous assistons aujourd’hui à la crise du vivant.

Les interactions entre espèces sont de plus en plus perturbées. Un exemple très concret : les espèces exotiques envahissantes qui prennent le pas sur les espèces locales. C’est le cas du frelon asiatique, qui s’est développé et prolifère en nombre sur tout le territoire européen depuis les années 2000. Il tue les abeilles, nécessaires à la pollinisation, et met en danger nos ressources alimentaires.

R.D. : La biodiversité c’est la diversité de la vie sur Terre. Plus précisément, la diversité des individus (liée à la diversité génétique), la diversité des espèces, la diversité des écosystèmes, et toutes les interactions associées.

Aujourd’hui, nous sommes en pleine crise d’extinction massive, avec un taux de disparition des espèces 10 à 1 000 fois plus rapide qu’un rythme naturel. Un million d’espèces sont aujourd’hui encore menacées d’extinction dans les prochaines décennies, et 420 millions d’hectares de forêts ont déjà disparu entre 1990 et 2020, entraînant avec elles d’innombrables espèces.

Pourtant, cette biodiversité est à l’origine de nombreux bénéfices, qu’on appelle aussi services écosystémiques, gratuits et surtout indispensables à la vie et au fonctionnement de nos sociétés (matières premières, alimentation, oxygène, régulation du climat, des sols, des eaux, loisirs…)

 

Dans quelle mesure un consultant bas carbone doit prendre en compte les enjeux de la biodiversité dans son métier ?

C.G : On l’a toujours en tête. C’est aussi pour cela qu’on se bat au quotidien. Quand on cherche à diminuer l’impact du réchauffement climatique, on ne cherche pas uniquement à protéger l’homme, on cherche à protéger le vivant dans son ensemble.

Aujourd’hui, on sait que le réchauffement climatique est l’une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité. En limitant ses effets, on parvient à limiter la dégradation du vivant. Dans la grande majorité des cas, quand on réduit les émissions carbone, on réduit l’impact négatif sur la biodiversité. À quelques exceptions près. Par exemple, la solution des voitures électriques permet effectivement de réduire les émissions carbone en France (électricité décarbonée) mais elle implique d’exploiter beaucoup de terres rares, de démolir des terrains pour en extraire des minéraux etc… Toute cette production a des effets néfastes sur la biodiversité. À l’inverse, limiter l’usage de la voiture pour réduire les émissions carbone, c’est aussi limiter l’impact du réchauffement climatique sur les espèces, limiter la destruction des sols/écosystèmes pour faire de nouvelles routes, limiter les particules fines dans l’air, moins de passages de véhicules qui tuent les insectes, etc…

C.C : Dans notre métier, on ne se limite pas à la comptabilité carbone. La démarche bilan carbone implique 3 leviers : comprendre, mesurer, agir. Nous savons qu’il est important que nos clients aient conscience du lien entre climat et biodiversité et qu’isl soient formés aux enjeux de la biodiversité. Nous pouvons également prendre en compte la biodiversité dans la partie plan d’action. Les pistes d’actions peuvent comprendre un bénéfice biodiversité pour réfléchir à son impact global sur l’environnement.

Si on prend l’exemple du toit végétalisé, c’est une bonne action pour le climat car elle permet de mieux isoler un bâtiment, et c’est un bénéfice pour la biodiversité car elle permet de créer un petit réservoir de biodiversité à l’échelle locale.

Pour résumer, comprendre les enjeux de la biodiversité et agir pour la préserver sont 2 éléments essentiels à prendre en compte pour un consultant bas carbone.

R.D. : Le changement climatique et ses conséquences engendrent des pressions directes et indirectes sur la biodiversité, avec des écosystèmes qui deviennent instables voire non fonctionnels, conduisant, à terme, à éroder la biodiversité. Cette érosion de la biodiversité entraîne elle-même une altération de la capacité des écosystèmes à réguler le climat, ce qui participe au changement climatique et à l’intensification de ses effets. On voit bien là le lien étroit entre climat et biodiversité, et cette boucle de rétroaction négative en période de crise.

Dans les actions qu’un.e consultant.e climat peut préconiser ou concevoir, il est important d’avoir une vision écologique globale, bénéfique en termes de climat ET de biodiversité. Toute action favorable à la biodiversité est bénéfique pour le climat. La biodiversité peut même être une source d’inspiration dans la recherche de solutions. C’est ce qu’on appelle d’ailleurs le biomimétisme.

À l’inverse, si la dimension d’intérêt écologique d’un projet de réduction des émissions n’est pas prise en compte, cela peut avoir un impact négatif sur la biodiversité, et se montrer alors contre-productif. Un désert vert à la mode monoculture intensive captera peut-être du CO2, mais n’aura jamais d’intérêt écologique en matière de biodiversité.

 

En quoi les entreprises sont-elles réellement concernées, et peuvent-elles faire quelque chose ?

R.D. : Les entreprises sont pleinement concernées par les enjeux en matière de biodiversité. En effet, les activités économiques exercent des pressions sur la biodiversité d’une part (exploitation de ressources naturelles, artificialisation, pollutions, etc.), mais sont très dépendantes de la biodiversité d’autre part (approvisionnement en matières premières, qualité de vie, etc.).

De ces pressions et de ces dépendances naissent des risques mais aussi des opportunités. Des risques et des opportunités très opérationnelles (pénuries d’intrants, procédés industriels innovants et à faible impact…) mais également en matière de financement (risques d’assurance, accès à des financements intégrant des critères environnementaux…), de réglementation (coût de décontamination ou d’indemnisation, anticipation des réglementations à venir…), ou même en termes de réputation, d’image, de marque employeur…

 

Pourquoi les collaborateurs d’entreprise doivent être sensibilisés aux enjeux de la biodiversité ?

C.G : De mon expérience, on n’agit pas tant qu’on ne comprend pas. Le problème avec le climat, c’est qu’on a du mal à visualiser le problème du réchauffement et l’urgence de la situation. Nos actions peuvent avoir des répercussions sur le long terme, qui sont difficiles à intégrer, à imaginer… Sur la biodiversité, c’est peut-être un petit peu moins vrai. On se rend plus facilement compte de la dégradation de la biodiversité si on voit moins d’oiseaux autour de chez nous, par exemple. Sensibiliser par le prisme de la biodiversité peut permettre de toucher plus facilement l’émotion de certains collaborateurs, et d’embarquer plus de monde dans la stratégie climat/ environnementale de l’entreprise.

C.C : L’érosion de la biodiversité tout comme le réchauffement climatique sont des limites planétaires, c’est à dire les seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables de vie sur Terre. Aujourd’hui, nous avons déjà franchi le seuil critique de la biodiversité. Il y a urgence, c’est un enjeu où il faut agir maintenant. En sensibilisant les collaborateurs d’entreprise à ce sujet-là, nous avons d’autres arguments, qui relèvent parfois plus de l’émotionnel que des données chiffrées qu’on utilise pour le climat.

R.D. : La biodiversité et ses enjeux sont bien souvent moins connus que ceux du climat, pourtant étroitement liés. Il est donc important d’accélérer la médiatisation de ce sujet, aussi bien dans la société dans son ensemble qu’au sein des entreprises. Ce constat semble étonnant puisque l’humain fait partie intégrante de la biodiversité, et parce que la biodiversité est tout autour de nous chaque jour : dans notre assiette, dans nos vêtements, dans notre environnement. C’est un sujet qui semble beaucoup plus simple à matérialiser pour tout à chacun que les émissions de gaz à effet de serre… et pourtant !

En général, nous sommes plus enclins à s’intéresser et à préserver ce que l’on connaît. La sensibilisation et la démocratisation autour du sujet de la biodiversité est donc un prérequis pour envisager une prise de conscience et des changements de comportement. Par ailleurs, l’un des avantages de cette thématique est que les réponses à apporter aux problématiques rencontrées sont souvent locales, donnant plus d’impacts aux gestes individuels, et plus de visibilité. D’autant plus que les effets positifs d’une action en la matière peuvent se voir très vite.

 

En quoi la crise du vivant et la crise climatique sont-elles étroitement liées ?

C.C :  Les deux crises, climat et biodiversité, compromettent notre environnement, et les bonnes conditions de vie pour l’humanité. Elles sont intimement liées dans la mesure où si l’un se dégrade, l’autre se dégrade également. C’est le principe des écosystèmes. La bonne nouvelle, c’est que si l’on agit pour limiter les dégâts pour le climat, on préserve nécessairement la biodiversité et vice versa.

On a pu voir plus tôt que certaines actions, bonnes pour la réduction d’émissions carbone, pouvaient entraver la biodiversité. Je pense que si les actions climat dégradent la biodiversité c’est que quelque part elles ne sont pas bonnes…On fait forcément les deux en même temps sans s’en rendre compte.

Finalement, les bonnes solutions pour le carbone et la biodiversité aujourd’hui se rejoignent. C’est consommer moins et produire moins. Autrement dit, c’est la sobriété.

R.D. : Au-delà de tout ce que nous avons déjà évoqué, nous pouvons rappeler qu’en matière de mesure d’empreinte, la démarche est la même que cela soit pour le carbone que pour la biodiversité. Finalement, ce sont quasiment les mêmes données d’entrée qui sont utilisées dans les outils de mesure, et les mêmes périmètres qui sont étudiés. Du moins, tout se structure en ce sens !

Mais attention, si nous réglons la question du climat, nous ne réglons pas toutes les questions liées à la biodiversité. Le changement climatique n’est que le 3e facteur d’érosion de la biodiversité, derrière la fragmentation des habitats et la surexploitation des ressources. Mais bien sûr, cela y contribue grandement !

 

Interview de Camille Crutel, consultante bas carbone chez Impakt, Corentin Golly, Ingénieur bas carbone et numérique responsable chez Impakt & Roxane Daubié, consultante biodiversité chez ekodev

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