Comment trouver un accord et changer la donne ?
Comme nous le mentionnions il y a peu, le thème de la mobilité est aujourd’hui une question qui doit être intégrée aux négociations annuelles obligatoires (NAO). Pour rappel, les entreprises d’au moins 50 salariés sont « invitées » à négocier « la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituel et leur lieu de travail ». Cette obligation s’insère dans le cadre de la négociation annuelle relative à la qualité de vie au travail (C. trav., art. L. 2242-17, 8°).
Mais ce texte de loi reste très imprécis quant au objectifs et contenus cibles. En conséquence, au-delà de ce cadre légal, pourquoi et comment intégrer la mobilité dans les NAO ?
Pourquoi négocier les mobilités durables ?
Il existe des sanctions (3750€ d’amende et 1 an d’emprisonnement) en cas de non ouverture de négociation sur la thématique. Si la sanction peut permettre une prise de conscience des enjeux, la coercition n’est pas un levier efficace pour mobiliser les énergies. En revanche, nous avons identifié 4 principaux moteurs qui plaident en faveur d’une pleine intégration des mobilités durables aux NAO.
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Préserver l’image de marque de l’entreprise
Si la sanction financière pèse peu dans la décision d’engager ou non des négociations, la préservation de l’image est un levier d’action puissant. D’une part, les problématiques environnementales mobilisent à juste titre l’opinion. D’autre part, la pratique du « name and shame », littéralement, témoigne d’enjeux réputationnel incontournables. Ne pas s’ouvrir à ces questions c’est prendre le risque de mettre en jeu durablement l’image de marque de son organisation.
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Penser la compétitivité et l’avantage concurrentiel
Les normes évoluent, les cahiers des charges et les appels d’offres aussi. Travailler à réduire l’empreinte écologique et instaurer un dialogue social apaisé ne peuvent être considérés comme un supplément d’âme. Ces dimensions jouent et joueront à l’avenir un rôle prépondérant quant à l’accès à des marchés.
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Agir sur la qualité de vie au travail et le climat social
Au sein des entreprises, il y a généralement une convergence de point de vue entre partenaires sociaux (représentants de salariés et employeurs) concernant la mobilité. Négocier les mobilités durables est une façon très efficace de dégager des points d’accord et de faire avancer le dialogue social en interne. C’est aussi se mobiliser en faveur de la qualité de vie des salariés. Pourquoi ne pas se saisir de cette question sur laquelle l’accord est atteignable ? Pourquoi se priver de porter un projet commun et fédérateur autour duquel l’entreprise va se retrouver ?
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Changer la donne environnementale
Penser les mobilités durables dans l’entreprise c’est se donner les moyens d’agir très concrètement en faveur de l’environnement. Les situations sont très hétérogènes d’une entreprise à une autre. Mais les déplacements domicile travail pèsent significativement sur le bilan carbone de la France. Rappelons que les 2/3 de ces déplacements sont effectués en voiture et qu’ils représentent environ 15% des émissions liés aux transports. Rappelons ici, à toute fin utile, que les entreprises peuvent établir leur propre bilan carbone. Cela leur permettra de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue et, le cas échéant, de faire la différence par rapport à une entreprise concurrente qui n’aurait menée aucune action en la matière.
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Profitons du contexte actuel pour penser les organisations et les mobilités de demain !
Enfin, la crise sanitaire que nous traversons bouleverse nos économies, nos organisations du travail, nos quotidiens. Nous avons tous vécu des expériences de mobilités alternatives et actives. Nos organisations ont dû s’adapter pour continuer de fonctionner. C’est le moment idéal pour tirer les enseignements de cette expérience vécue inégalée. Avant que le soufflet ne retombe, profitons de ce contexte pour améliorer nos organisations et optimiser nos mobilités domicile-travail.
La négociation portant sur les mobilités durables est de nature à engager les entreprises dans un cercle vertueux.
Comment se donner les moyens de réussir cette négociation ? Comment mettre en place des actions concrètes ?
En matière de mobilités, il n’y a évidemment pas de recette toute faite à appliquer, quel que soit le périmètre d’étude considéré, la nature, la localisation du ou des sites, etc. En conséquence, difficile de dire a priori quelles sont les mesures à mettre en place pour une entreprise donnée. Par ailleurs, les changements de pratiques, articulés à des modes de vie, ne se décrètent pas. Penser les mobilités demande de l’expertise, de l’accompagnement, de l’anticipation, le partage d’une vision commune, et un suivi dans le temps des mesures qui seront in fine retenues.
Dans manière plus détaillée, inscrire la négociation portant sur les mobilités durables dans un cadre, pour ne pas dire un process, bien établi :
Établir un diagnostic de situation
Il s’agira, bien en amont de la négociation, d’établir un audit de la situation : où sont localisés les salariés sur le territoire ? Quelles sont les conditions d’accès au lieu de travail ? Comment les salariés se rendent-ils sur leurs lieux de travail ? Une enquête auprès des salariés sera nécessaire pour cerner les modes et conditions de déplacement mais aussi évaluer les marges de manœuvre envisageables
Partager une vision commune sur les mobilités durables
Partir d’un même diagnostic et parler le même langage, c’est assurer un socle de négociation solide. Les partenaires sociaux partageront utilement les conclusions du diagnostic. Plus largement, ils pourront aussi se former aux problématiques de développement durable et des mobilités en particulier. L’objectif est de disposer d’un diagnostic partagé qui permettra de faire émerger, ou de renforcer, une vision commune.
Hiérarchiser les options et définir un plan d’action
Viendra ensuite le temps de la négociation et des arbitrages. Cette phase pourra être facilitée par la mise en place de groupes de travail qui aideront à la priorisation des objectifs. Dans le cadre d’ateliers de concertation, des salariés issus de différents services, des fonctions support pourront participer et faire émerger des axes d’amélioration.
Définir des critères d’évaluation et de suivi dans le temps
L’accord trouvé intégrera utilement des critères d’évaluation. Dans quelle mesure les actions définies permettent de réduire l’empreinte écologique, d’améliorer la qualité de vie des salariés ? Les équilibres financiers sont-ils atteints ? Après une période d’évaluation, ce tableau de bord permettra de déterminer s’il faut ou non faire évoluer l’accord. Après le déploiement des mesures et le temps de recul nécessaire, les partenaires sociaux pourront décider d’ajuster le dispositif : soit parce que l’accord n’aura pas donné pleinement satisfaction (consommations énergétiques, émission de GES, baromètre de satisfaction employés, etc.), soit parce que les partenaires sociaux décideront de rehausser leurs ambitions.
Qu’est-il possible de négocier ?
L’imagination est au pouvoir ! mais il est possible de donner quelques illustrations de points qu’il est courant de retrouver dans les accords d’entreprise. Il est toutefois à relever que les mesures à déployer dépendent des besoins diagnostiqués et des enjeux de mobilités sur chaque site relevant du périmètre de négociation.
Exemples de mesures pouvant être négociées :
- Analyse des besoins et suivi de l’information – mise en place d’un plan de mobilité (analyse offre de transport, accès aux sites, enquête auprès des salariés, analyse des besoins) et d’indicateur de suivi, cliquez ici pour en savoir plus sur l’analyse des besoins en matière de déplacement.
- Volet indemnitaire, aides financières – mise en place d’un forfait mobilité durable (FMD) pour accompagner financièrement les salariés, sur les premiers retours d’expérience et les pratiques des entreprises concernant le FMD, voir le dernier baromètre ekodev – ViaID.
- Aménagement de l’environnement de travail – création d’espaces et d’infrastructures pour favoriser la pratique des mobilités actives (espaces sécurisés, casiers, vestiaires, douches, etc.), création de places de stationnement réservées au covoiturage, création de bornes de recharge pour les VAE et/ou les voitures électriques.
- Organisation du travail – déploiement d’une charte relative aux “déplacements professionnels” (privilégier les réunions à distance, orienter le choix des véhicules de société sur des véhicules propres), mise en place d’une charte de télétravail.
- Sensibilisation, communication, formation, accompagnement – mise en place de référents internes et animateurs pour le covoiturage, organisation de journées de réparation de vélos sur le site de l’entreprise, distribution de kit de sécurité aux salariés (promotion mobilités actives), formation à l’écoconduite et à la sécurité routière.
Ces éléments sont donnés à titre d’illustration. Les mesures évoquées ci-dessus sont en grande partie extraites d’accords négociés (source : base de données d’accord issus de la plateforme légifrance).
Précisons qu’à défaut d’accord, il sera possible pour l’employeur de mettre en place un plan d’action unilatéral. L’employeur sera alors tenu de réaliser un Plan de Mobilités sur lequel il s’appuiera afin de prendre des dispositions en faveur de la mobilité de ses salariés. Mais il est probable que ce plan d’action unilatéral n’ait pas le même élan qu’un projet porté collectivement.
Nicolas FOURMONT – Consultant mobilité