La loi PACTE a introduit la qualité de société à mission permettant à une entreprise responsable d’affirmer publiquement sa raison d’être, son objet social et son engagement, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. En 2025, c’est près de 2 000 entreprises qui ont adopté la qualité de société à mission. Vous retrouverez dans cet article tout ce que vous avez à savoir pour rejoindre, à votre tour, le mouvement !
La genèse de la société à mission
La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, aussi appelée loi PACTE, vise à redéfinir les conditions d’un modèle économique plus durable ou loi PACTE (Plan d’Action Pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), promulguée le 22 mai 2019 a introduit des évolutions majeures, dont la possibilité pour les entreprises d’adopter la qualité de société à mission dans leurs statuts, renforçant ainsi leur engagement sociétal et environnemental.
Les trois niveaux d’engagements RSE des entreprises selon la loi PACTE

Source : Communauté des sociétés à mission
Le premier niveau : la responsabilité des entreprises est consacrée dans la loi
D’après l’article 1833 du Code civil, désormais toutes les entreprises se doivent d’avoir la capacité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans leurs décisions.
Le deuxième niveau d’engagement : la raison d’être de l’entreprise
Il est désormais possible, pour les entreprises volontaires, d’inscrire une raison d’être dans leurs statuts. Cela permet aux entreprises de concevoir et de projeter leur activité dans le long terme, en intégrant des enjeux sociaux et environnementaux à leur modèle économique.
Le troisième niveau d’engagement : la société à mission
Pour que les entreprises puissent aller plus loin dans leur engagement, l’article L210-10 du Code de commerce introduit, dans le droit, la qualité de société à mission. Cette nouvelle qualité de société à mission implique l’inscription dans les statuts d’une raison d’être assortie « d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ».
Quelles sont les entreprises concernées par la qualité de société à mission ?
La société à mission est une qualité, ce qui signifie qu’une entreprise qui l’adopte conserve sa forme juridique (par exemple, une SA peut devenir société à missions tout comme une SAS ou une SARL sans avoir à renoncer à son statut de SA, SAS ou SARL). Toutes les entreprises privées, quelque soit leur secteur d’activité, relevant du Code de commerce peuvent ainsi devenir société à mission, y compris les mutuelles et coopératives, quelle que soit leur forme juridique ou leur domaine d’activité.
L’engagement sociétal est parfois vu comme une contrainte, dictée par des lois et des réglementations. L’avantage de la qualité de « société à mission » c’est qu’elle propose un cadre à la fois structurant et volontaire. Elle permet aux entreprises qui veulent contribuer activement à la société d’intégrer dans leurs statuts des enjeux sociaux et environnementaux au cœur de leur modèle économique !
Pourquoi se lancer dans la démarche de société à mission ?
Se lancer dans la démarche de société à mission permet aux entreprises de s’interroger sur leurs racines, leur singularité et leur ADN. Elle permet de se (re)connecter à ce qui rassemble et unit leurs collaborateurs et collaboratrices. La qualité de société à mission permet de redonner du sens à ses équipes, de mobiliser les parties prenantes autour d’un projet commun, responsable et cohérent avec les enjeux environnementaux et sociaux, collectif et mobilisateur.
Enfin, dans un monde incertain et en mutation, définir une raison d’être comme cap à suivre permet de sécuriser les fondamentaux de l’entreprise dans la durée. C’est-à-dire, de ne pas perdre de vu l’ambition initiale et se mettre d’accord sur un objectif final. Une ligne directrice qui aligne et met en cohérence les valeurs de l’entreprise pour un engagement authentique et volontaire !
Qu’est-ce qu’une raison d’être ?
La raison d’être est une formulation qui exprime, avec conviction et engagement, la singularité de l’entreprise, son identité, sa vocation, ses intérêts et là où elle souhaite aller. Cette courte phrase doit répondre aux questions suivantes :
- Pourquoi l’entreprise existe-t-elle ?
- Quelle est la finalité de l’entreprise ?
- Quelle est l’utilité de l’entreprise ?
- Quel le rôle de l’entreprise dans la société ?
- Que souhaite apporter l’entreprise ?
- A quels enjeux souhaite l’entreprise contribuer à répondre et pourquoi ?
Quels sont les objectifs à atteindre ?
Une fois formulée, la raison d’être doit être incarnée par des objectifs sociaux et environnementaux que se fixe officiellement l’entreprise en les inscrivant, eux aussi, à ses statuts. Ils sont obligatoires et indispensables à l’opérationnalisation de la mission. Tout l’enjeu de ces objectifs statutaires est qu’ils soient suffisamment engageants tout en restant réalistes. La formulation des objectifs ne fait l’objet d’aucune précision dans la loi PACTE, si bien qu’ils peuvent être aussi bien quantitatifs que qualitatifs.
Les objectifs chiffrés sont un gage d’engagement supérieur mais revêtent un caractère plus contraignant et obligent l’entreprise à changer ses statuts régulièrement pour les réactualiser. Elle peut néanmoins trouver un arbitrage en optant pour des objectifs qualitatifs dans ses statuts, tout en définissant des objectifs opérationnels quantitatifs dans sa feuille de route afin de bien pouvoir suivre l’avancée de sa mission et en faciliter la vérification. La feuille de route opérationnelle, qui découle des objectifs statutaires, est le plan d’action de l’entreprise pour atteindre la mission qu’elle s’est donnée.
Les objectifs sociaux et environnementaux sont des objectifs spécifiques qui s’intègrent dans le modèle d’affaires et doivent répondre à la question suivante : Quelles sont les conditions essentielles pour avancer sur ma raison d’être et comment celle-ci s’active dans l’ensemble de mes activités et de mon projet d’entreprise ?
Qu’est-ce qu’une mission ?
Contrairement aux politiques RSE, chartes ou certifications, la mission – inscrite dans les statuts – engage formellement l’entreprise et ses dirigeants. Elle devient ainsi juridiquement opposable. La mission incarne la raison d’être de l’entreprise, ainsi que ses objectifs sociaux et environnementaux. Véritable boussole stratégique, la mission donne un cap clair et cohérent, et porte un fort potentiel de transformation en alignant l’ensemble des actions de l’entreprise avec ses engagements.
Comment devenir société à mission ?
Quelles sont les conditions pour devenir société à mission ?
D’après l’article 210-10 du code du commerce, il y a 5 conditions à remplir pour qu’une entreprise devienne société à mission :
- Les statuts de l’entreprise précisent une raison d’être
- Les statuts de l’entreprise précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux
- Les statuts de l’entreprise précisent les modalités du suivi de l’exécution de la mission par le comité de mission
- L’exécution des objectifs sociaux et environnementaux fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant
- La société déclare sa qualité de société à mission au Greffe du Tribunal de Commerce
Comment déclarer la qualité de société à mission ?
Toutes les entreprises commerciales, quelle que soit leur forme juridique, peuvent se réclamer de la qualité de société à mission. Ne s’agissant pas d’un nouveau statut mais d’une simple qualité (semblable à un label), elles n’ont pas besoin de changer de structure juridique. Une fois ses statuts modifiés selon les trois conditions précédentes, la société déclare simplement sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, conformément à la loi et au Code du commerce pour publication au Registre du Commerce et des Sociétés.
Les nouvelles entreprises peuvent même directement se créer avec la qualité de société à mission inscrite dès le début dans leurs statuts, faisant ainsi d’elles des « mission natives ». Une démarche érigeant la création d’entreprise en véritable levier pour répondre aux défis sociétaux de notre époque.
Quels sont les devoirs d’une société à mission ?
Une fois la qualité de société à mission obtenue, le travail ne fait que commencer. Sans mise en œuvre concrète et opérationnelle, la mission risque de rester une simple déclaration d’intention. Voici quelques pistes de réflexions et conseils :
- Structurer la gouvernance de la mission : en mettant en place et en faisant vivre son comité de mission.
- Traduire la mission en actions concrètes : tout d’abord en priorisant les premières actions (dans une feuille de route, aussi appelée modèle de mission).
- Définir les modalités de pilotage et de suivi avec des ambassadeurs en interne.
- Mobiliser les parties prenantes : en créant une dynamique collective autour de la mission, en sensibilisant et en embarquant les collaborateurs.
- Préparer le rapport (J + 1 an) et l’audit : en posant les bases d’un système de preuve, d’indicateurs de performance extra-financière et de suivi opérationnel, qui seront utiles pour anticiper le rapport de mission et le dialogue avec l’Organisme Tiers Indépendant (OTI).
Et ensuite ? Il faut faire vivre sa mission ! L’entreprise débute son chemin de transformation continue et s’efforce d’aligner stratégie et mission. Pour cela la mission oriente toutes les actions de l’entreprise, elle définit ce qu’on peut ou ne peut pas faire.
Les obligations et le contrôle des sociétés à mission
Le comité de mission des sociétés à mission
Selon l’article 210-10 du Code de commerce, le comité de mission :
- Est «distinct des organes sociaux» de la société ;
- Doit «comporter au moins un salarié» ;
- «Est chargé exclusivement [du] suivi [de l’exécution de la mission] » ;
- «Présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion […] à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société» ;
- «Procède à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission».
Par souci de représentativité, il est recommandé de constituer un comité équilibré entre parties prenantes internes et externes. Aucune durée de mandat n’est définie par la loi mais le comité doit être disposé à s’engager et s’impliquer dans la durée, sans pour autant être rémunéré pour cela. Les entreprises de moins de 50 salariés peuvent, quant à elles, se contenter d’un référent de mission (salarié ou non de l’entreprise).
Le rôle du comité de mission
Composé d’au moins 1 salarié, le comité de mission à les missions suivantes :
- Valider la cohérence du modèle de mission : s’assurer que les objectifs opérationnels, les cibles et les indicateurs sont alignés et pertinents.
- Évaluer les objectifs statutaires : juger du niveau d’ambition des cibles associées, en veillant à ce qu’elles soient à la fois ambitieuses et atteignables.
- Suivre les résultats : analyser si les cibles ont été atteintes ou non, et pourquoi.
- Rendre compte annuellement : produire un rapport d’évaluation annexé au rapport de gestion, présenté lors de l’assemblée générale annuelle.
Comment choisir les membres de son comité de mission ?
Sélectionnez des parties prenantes capables :
- d’apporter un regard neuf et critique sur vos pratiques,
- de formuler des recommandations constructives,
- d’explorer de nouveaux leviers d’action,
- et de vous aider à faire évoluer votre mission dans le temps.
Il peut s’agir d’experts, de chercheurs, de représentants associatifs, de clients ou encore d’acteurs du territoire.
La vérification par un tiers de la poursuite des objectifs
Une fois la qualité de société à mission adoptée, l’entreprise dispose de 18 mois pour faire intervenir un Organisme Tiers Indépendant (OTI), dont le rôle est de vérifier la bonne exécution des objectifs sociaux et environnementaux que l’entreprise a inscrits dans ses statuts. Par la suite, les vérifications ont lieu tous les trois ans pour les sociétés à mission de moins de 50 salariés et tous les deux ans pour les autres. Cette vérification aboutit à un avis de l’OTI, joint au rapport de mission.

Source : Communauté des sociétés à mission
L’OTI évalue l’entreprise selon les éléments suivants :
- si la société respecte ou non les objectifs qu’elle s’est fixés ;
- si tous les moyens sont mis en œuvre pour atteindre les objectifs ;
- le cas échéant, les raisons pour lesquelles les objectifs n’ont pas été atteints
En cas de non atteinte des objectifs, une procédure de retrait de la qualité de société à mission peut être engagée. Ce dispositif d’évaluation permet de limiter les risques de « missionwashing ». L’enjeu pour l’OTI est de transcender sa traditionnelle approche de contrôle pour travailler, collaborer davantage avec l’entreprise et la challenger.
Quels risques en cas de non-respect des obligations ?
Tout d’abord il y a le risque juridique. En effet, la qualité de société à mission est juridiquement opposable. Et l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux fait l’objet d’une vérification par un OTI, renforçant la crédibilité de la qualité de société à mission envers toutes les parties prenantes et contribue à lutter contre le « mission washing ».
Une entreprise peut perdre la qualité de société à mission si elle ne respecte pas les conditions énoncées plus haut ou si l’OTI émet un avis négatif. Si l’entreprise perd la qualité, elle sera enjointe à retirer la mention « société à mission » de l’ensemble de ses documents.
Il en va de votre réputation, de votre image et de votre cohérence : s’engager sur le chemin de la société à mission est un gage d’engagement auprès de vos parties prenantes. Si des contradictions entre la stratégie et la mission sont remarquées, cela montre un désalignement et peut mener à une perte de confiance ou un désengagement des salariés et de vos parties prenantes. La qualité de société à mission impose de progresser et de se mettre dans un chemin d’amélioration continue pour accomplir sa mission.
Comment réussir cette démarche et en faire un levier d’impact positif ?
L’adoption de la qualité de société à mission étant fortement engageante pour l’entreprise, il convient de s’assurer de ne pas tomber dans certains écueils inhérents à ce statut hybride.
- Formuler une raison d’être et une mission relativement précises et ciblées : pour éviter les risques de greenwashing, il faut veiller à ne pas choisir une raison d’être trop floue ou une mission trop vague qui résulteraient en des engagements imprécis et donc difficilement évaluables.
- Y consacrer du temps : Acquérir la qualité de société à mission est une démarche chronophage et couteuse pour l’entreprise (réunions, préparations etc). Un travail de réflexion approfondi qui implique que le dirigeant y dédie du temps et de l’énergie pour que cela fonctionne.
- Se fixer des objectifs engageants mais réalistes : le non-respect de la mission et des objectifs statutaires pouvant entraîner le retrait de la qualité de société à mission et par là même un risque réputationnel, il est important de rester vigilant sur la formulation des objectifs et de trouver le juste équilibre entre réalisme et engagement suffisamment ambitieux.
- Embarquer ses parties prenantes dans la démarche : la raison d’être et la mission doivent être définies en concertation avec les parties prenantes (collaborateurs, actionnaires etc). Leur implication et leur adhésion sont absolument clés pour réaliser la mission de façon pérenne. Le comité de mission est l’occasion de les maintenir engagés dans la démarche de contribution sociétale de l’entreprise.
- S’inscrire dans une trajectoire de transformation : adopter une mission n’est pas un engagement à prendre à la légère, surtout lorsque l’entreprise n’en était pas dotée initialement. Pour s’assurer d’atteindre ses objectifs statutaires, il faut engager une véritable démarche transformative qui n’est possible qu’avec une direction convaincue.
En modifiant la définition de l’objet social de l’entreprise dans le code civil, la loi PACTE a révolutionné la manière de penser l’entreprise. Elle a introduit une nouvelle vision de la réussite, non plus cantonnée à l’atteinte d’objectifs financiers, mais désormais aussi subordonnée à l’accomplissement de finalités sociale et environnementale. Aux entreprises de se saisir de cette évolution législative pour faire, à l’image du colibri, leur part dans une société confrontée à des défis sociaux et environnementaux majeurs. C’est toute la vocation de la qualité de société à mission : transformer l’entreprise pour transformer la société.
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Sources :
Pourquoi et comment devenir société à mission | Devenez entrepreneur à mission !