mobilite | 02/03/22

La mobilité, une histoire de genre ?

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Des inégalités, reflets de la société ?

Les questions de genre, si elles n’ont bien souvent pas été mises en lumière dans les champs académiques (ce qui n’est pas le cas outre atlantique), sont de plus en plus visibles, audibles et traitées dans l’actualité et les débats.

Les inégalités sur ce sujet touchent tous les domaines : études, monde du travail, sphère domestique…

  • Et en matière de mobilité ?
  • En quoi la mobilité quotidienne est-elle genrée ?
  • Comment peut-on réduire les inégalités et les différences de pratiques ?
  • Comment le principe de mobilité inclusive intègre toutes ces questions ?

La mobilité inclusive : un leurre ?

L’organisation du territoire et les infrastructures de mobilité conditionnent le caractère inclusif de nos sociétés. Les sociétés inclusives ont pour objectif de donner la possibilité à tout individu quel que soit sa catégorie socio-professionnelle, son âge ou son sexe, de participer à l’ensemble des activités d’un territoire. L’organisation à l’échelle d’un territoire est alors un des piliers majeurs d’une société inclusive.

Les différences dans les pratiques de mobilité entre hommes et femmes sont importantes et existent depuis tout temps. Elles concernent principalement le choix du mode de transport, le nombre de déplacements et la distance domicile-travail, entre autres…

Ces différences peuvent-elles s’expliquer en partie par l’importance du rôle de la femme au sein du foyer familial, les postes occupés par les femmes et leur organisation du travail ? Toutefois ces écarts tendent à diminuer du fait notamment d’une participation croissante des femmes au marché du travail.

 

Le genre a-t-il RÉELLEMENT un impact sur nos habitudes de mobilité ?

La récente étude nationale1 de la mobilité des personnes vient confirmer ces évolutions.

Le choix du mode de transport varie en fonction du sexe. Si la marche représente 25,8% des déplacements chez les femmes, elle n’atteint que 21,5% chez les hommes. Ces derniers roulent davantage à vélo que les femmes (4% contre 1,5%). On note également une nette différence dans l’usage des transports en commun qui est utilisé pour 10,1% des déplacements des femmes contre 7,9% des déplacements des hommes. Enfin, les hommes utilisent légèrement plus la voiture que les femmes (63,6% contre 62%). À noter également que les transports en commun sont encore trop peu adaptés aux personnes à mobilité réduite au sens large du terme (handicap, poussette, charges à porter, etc.).

La seconde distinction se situe au niveau de la distance parcourue : 12,5% des déplacements des femmes font moins de 5 km contre 9,3% chez les hommes. Les femmes travaillent plus proches de leur domicile que les hommes avec une distance moyenne de 14,8 km (contre 18,5 km pour les hommes). Les femmes réalisent en dehors de leur trajet domicile-travail davantage de déplacements de proximité.

Les femmes passent aussi moins de temps que les hommes à se déplacer (1h pour les femmes contre 1H04 pour les hommes). Le nombre de déplacements est lui similaire avec 3,1 déplacements pour les hommes et 3 déplacements pour les femmes. L’enquête globale de déplacement de 2011 montre en effet que 18% des déplacements des femmes ont pour motif « l’accompagnement » contre 11% pour les hommes. Les déplacements pour le motif domicile-travail représentent 27% chez les hommes contre 20% chez les femmes.

 

Les femmes sont-elles davantage exposées à l’insécurité dans les transports ?

Bien qu’elles tendent largement à s’atténuer, les différences commencent dès le plus jeune âge. Les travaux de Heidi MEYER (1999) montrent que les filles après 12 ans ont tendance à se faire davantage accompagner par leurs parents que les garçons.

Le sentiment d’insécurité explique en grande partie ce phénomène qui continue de s’exercer à l’heure actuelle. Le Haut Conseil à l’Égalité2 entre les hommes et les femmes a d’ailleurs mis en place un plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles à travers 12 engagements, après une étude indiquant que 100% des femmes avaient déjà subi une situation de harcèlement. 6 femmes sur 10 craignent une agression ou un vol dans les transports franciliens contre 3 hommes sur 103.

 

Des stéréotypes qui tendent à disparaître

Par ailleurs, les stéréotypes ont largement contribué aux différences de mobilité entre les hommes et les femmes. À titre d’exemple, de nombreux stéréotypes concernant la conduite sont intégrés dès le plus jeune âge et se développent jusqu’à la période du permis de conduire. Fort heureusement, ces stéréotypes peuvent diminuer, voire même disparaitre avec l’âge. Ces stéréotypes ne sont pas nécessairement binaires, mais montrent toutefois une tendance réaliste.

La dernière enquête mobilité des personnes montre d’ailleurs que 52,1% des conducteurs sont des hommes et 44,4% sont des femmes. Les femmes utilisent davantage des voitures à essence (51,9%) que les hommes (44,3%) alors qu’on observe le contraire pour le diesel (56,6% pour les hommes, 40,4% pour les femmes). Si en France, l’accès à la voiture est moins inégalitaire, dans les pays les moins développés les femmes ont un moindre accès au permis de conduire et à la voiture individuelle.

 

Les politiques territoriales comme levier de diminution des inégalités

L’aménagement du territoire doit encore faire de gros efforts pour contribuer au caractère inclusif de la mobilité : sécurité dans les transports, amplitude et fréquence des transports en commun, accès aux personnes à mobilité réduite sont autant de leviers qui permettront demain de réduire plus encore les inégalités liées à la mobilité genrée.

De fait, le travail mené par les collectivités et les opérateurs de transports tend à diminuer l’insécurité dans les transports. La marge de manœuvre reste toute de même importante. Prévention, présence humaine, aménagement, signalétique, mobilier urbain sont autant de leviers à actionner pour lever le frein de l’insécurité.

Les fréquences des transports sont par ailleurs calquées sur une organisation en heure de pointe alors que les femmes ont tendance à se déplacer aussi en cours de journée. Bien que les axes lourds de transports en commun circulent à une haute fréquence tout au long de la journée, un effort reste à faire sur les lignes moins importantes.

Enfin, les stéréotypes sont à lever dès le plus jeune âge, les plans de déplacements d’établissements scolaires par exemple, peuvent servir à cette cause en sensibilisant les enfants à l’utilisation des modes, alternatifs à la voiture individuelle notamment. Les plans de mobilité employeurs représentent également un levier majeur à la sensibilisation aux modes alternatifs à la voiture individuelle. La communication sur les modes doux, la levée des aprioris sur les modes actifs, l’adaptation des horaires de travail, sont autant de leviers à actionner par les employeurs dans le cadre de leur démarche interne.

En tout état de cause, il parait important de pouvoir continuer de suivre les différences de mobilité entre les hommes et les femmes en renseignant des indicateurs dans les études de mobilité existantes tant au niveau des plans de mobilité employeur qu’au niveau des grandes études régionales ou nationales.

[1] Ministère de la transition écologique, enquête mobilité des personnes de 2019, 2021
[2] Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes – Avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports collectifs, avril 2015
[3] Enquête de victimation par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile de France, 2011

Aurélie MONTIGNY – Consultante Mobilité

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