rse | 05/01/22

Greenwashing : Un nouveau cadre réglementaire visant à limiter cette pratique

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Enfin un cadre législatif et contraignant

Face à des consommateurs avides de transparence et dont la sensibilité et la conscience environnementale n’ont de cesse de croître (72% des Français favorables à une consommation plus responsable d’après le 14e baromètre de la consommation responsable de l’ADEME), les entreprises sont de plus en plus amenées à considérer leur responsabilité et leurs impacts socio-environnementaux.

Néanmoins, cette prise en compte ne se traduit pas forcément par de réels engagements dont découlent des actions concrètes. Certaines entreprises, par facilité ou par manque de conviction, saisissant prosaïquement l’enjeu business d’adopter des pratiques plus durables, se contentent de verdir leur image sans agir véritablement. S’adonnent-elles alors à ce que l’on qualifiera de « greenwashing » : une pratique abusive désormais réglementée grâce à l’adoption récente de la Loi Climat & Résilience.

Greenwashing : de quoi parle-t-on ?

Le greenwashing, ou le blanchiment écologique (si l’on en croit la traduction française de cet anglicisme), est une pratique qui consiste à utiliser de manière abusive l’argument écologique pour promouvoir un produit ou un service, alors que son intérêt environnemental est inexistant, voire négatif. Pour l’ADEME, il s’agit de « verdir » ou de donner une image écologique à des entreprises et à des produits qui ne le sont pas. Cela s’apparente finalement à une forme de publicité mensongère. Une incongruence entre l’image, la communication et la réalité des pratiques, pour attirer les consommateurs (et faire ainsi grimper les ventes) en les trompant par des arguments éco-responsables.

Dans son guide anti-greenwashing, l’ADEME définit le blanchiment écologique à travers le prisme de 9 signes distinctifs permettant de le repérer dans une communication « développement durable » :

  • Un vrai mensonge
  • Une promesse disproportionnée : par rapport à l’intérêt écologique réel du produit ou service.
  • Des mots vagues
  • Des informations insuffisantes : un manque de transparence ou d’informations
  • Une image trop suggestive : des visuels suggestifs par rapport aux vertus écologiques réelles du produit ou service.
  • Un faux label : autoproclamé et ne correspondant à aucun référentiel
  • Une mise en avant hors sujet : aucun lien entre la démarche écologique vantée et le produit ou service.
  • Des preuves inexistantes :  allégations sans preuve
  • Une fausse exclusivité : vanter les mérites écologiques de ses produits/ services ou actions menées alors que l’entreprise ne fait que respecter la loi

Selon le dernier bilan “Publicité et Environnement” réalisé conjointement par l’ARPP et l’ADEME en 2019, ces pratiques concerneraient plus de 11% des publicités environnementales. Un manque de transparence qui justifie le besoin d’un cadre juridique renforcé.

Face à ces allégations mensongères, quels enjeux pour les entreprises et les consommateurs ?

Total Energies qui, nous dévoilant son ambition d’atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de ses activités à l’horizon 2050, se lançait au même moment dans un mégaprojet d’exploitation gazière en Arctique ; ou encore H&M, leader de la fast fashion, qui nous dévoilait sa collection « Conscious » – dont certains t-shirts arboraient même fièrement le slogan « There is no Planet B » – et s’empressait de prôner une mode durable, nous vantant les mérites de ses vêtements fabriqués à partir de tissus recyclés (qui, au passage, n’en représentaient que 20%)… autant d’allégations mensongères dangereuses à l’origine d’un scepticisme accru face aux questions environnementales.

Insidieusement, le greenwashing déculpabilise le consommateur dans sa décision d’achat, lui faisant croire qu’il accomplit un geste pour la planète quand il est en réalité l’acteur d’un consumérisme qui la détruit. Tromperie volontaire, il détériore la relation de confiance entre les entreprises et leurs clients. Il dessert aussi la RSE en la réduisant à une pratique que l’on qualifierait familièrement de « bullshit ». Or, cela décrédibilise inévitablement les engagements d’autres entreprises qui sont, quant à elles, impliquées dans des démarches RSE sincères. De manière générale, c’est la crédibilité tout entière des messages portés sur l’écologie et le développement durable qui se voit altérée.

Face à de tels enjeux, un cadre réglementaire s’impose. C’est en partie l’objet de la loi Climat et Résilience qui pose pour la première fois dans la loi, un cadre et des sanctions pour lutter contre le blanchiment écologique.

Loi sur le Greenwashing : première pierre d’un cadre législatif (enfin) contraignant

Outre les règles du code la consommation, les recommandations durables de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) sur l’utilisation d’arguments écologiques dans les publicités, ou encore l’obligation d’accompagner la communication environnementale d’une information multicritère (article 90 de la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte), le greenwashing ne disposait jusqu’alors d’aucun véritable cadre législatif suffisamment contraignant pour le réguler.

C’est désormais chose faite avec la récente loi Climat et Résilience qui, dans son volet consacré à la consommation, introduit de nombreuses restrictions sur les publicités afin qu’elles prennent davantage en compte les enjeux écologiques.

Issue du travail de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), La loi Climat & Résilience a été promulguée le 22 aout dernier et entrera en vigueur progressivement à partir de 2022.

  • Interdiction du greenwashing

Les articles 4 et 10 de la loi font du greenwashing une « pratique commerciale trompeuse » interdite et sanctionnée (article 11). Il sera désormais interdit d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est « neutre en carbone » ou « dépourvu de conséquences négatives pour le climat », à moins que l’annonceur puisse démontrer qu’il a engagé une démarche vertueuse visant prioritairement à éviter, puis réduire, ses émissions de gaz à effet de serre et à les compenser, seulement en dernier recours, et en respectant des standards de qualité environnementale élevés. L’article 12 prévoit, à ce sujet, l’ajout d’une section au code de l’environnement. Rappelons toutefois que la notion de neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle de la planète comme l’explicitait l’ADEME dans son Avis sur la neutralité carbone ; et que la compensation carbone – dernier maillon du fameux triptyque désormais dépassé Eviter/Réduire/Compensern’est en aucun cas une solution pérenne face au dérèglement climatique.

Par ailleurs, les publicités promouvant certaines industries ou produits particulièrement polluants seront totalement interdites ; c’est le cas de la publicité pour les énergies fossiles (promotion sur les carburants des voitures, pour le fioul et le gaz dans le chauffage…) dès 2022, et pour les véhicules les plus émetteurs (émissions supérieures à 95g de CO2 par km) à partir de 2028.

  • Renforcement des sanctions (article 11)

Pour inciter les entreprises à appliquer ces nouvelles règles, les sanctions seront renforcées. Les entreprises ne respectant pas les obligations précédemment énoncées seront notamment sanctionnées d’un point de vue :

Financier :  elles devront payer une amende pouvant atteindre jusqu’à 80% des dépenses engagées dans la campagne de communication en question.

Réputationnel : elles devront communiquer sur le fait de s’être fait sanctionner pour greenwashing.

  • Création d’un éco-score (article 2 et 7)

Une étiquette environnementale, rebaptisée « éco-score », sera créée afin de renforcer l’affichage environnemental sur les produits et services. Les entreprises devront ainsi indiquer l’impact climatique – plus précisément, la classe d’émissions de dioxyde de carbone, sur une échelle de A à G – de leurs produits dans leurs publicités. Cette règle s’appliquera de manière échelonnée selon les secteurs d’activité, mais prendra effet dès 2022, pour les secteurs de l’automobile et de l’électroménager.

  • Adoption de codes de bonne conduite

L’article 5 promeut l’adoption par les entreprises de codes de bonne conduite garantis par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), pour qu’elles s’engagent à faire évoluer leur publicité audiovisuelle en prenant en compte les enjeux liés au changement climatique. Le CSA se verra également doté d’un pouvoir de « name and shame » puisqu’il sera en mesure de publier la liste des entreprises qui souscrivent et de celles qui ne souscrivent pas à un code de bonne conduite, sur une plateforme numérique publique. Et ce, afin de garantir une plus grande transparence et inciter les entreprises à s’engager. L’objectif étant in fine, de réduire les publicités portant sur des produits ayant un impact significativement négatif sur le climat et l’environnement.

Bien qu’édulcorée par rapport aux propositions initiales de la CCC – de nombreuses propositions ayant été modifiées voire totalement rejetées dans la loi, comme celle d’interdire la publicité pour tous les produits les plus émetteurs de GES et non pas seulement pour les énergies fossiles –, cette loi représente toutefois une avancée significative dans la lutte contre le greenwashing. C’est la première fois qu’un vrai cadre réglementaire contraignant est posé et que des sanctions sont prises pour limiter cette pratique. Sans en sonner pleinement le glas, cette nouvelle réglementation reste donc un outil précieux au service d’une communication plus responsable et transparente.

Mélanie HALLERY, Consultante RSE 

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