Du 29 avril au 4 mai 2019, les représentants de 131 Etats se sont réunis à Paris pour achever et examiner le rapport 2019 de l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques). Pendant 3 ans, ce rapport a été élaboré par 150 experts internationaux et s’est appuyé sur près de 15 000 références, intégrant les savoirs, problématiques et priorités des peuples autochtones et des communautés locales. Cette évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques est la première de son genre depuis l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millenium Ecosystem Assessment) de 2005. Un « résumé à l’intention des décideurs » a été présenté au siège mondial de l’UNESCO, à Paris, le 6 mai dernier, dans le but de contribuer à l’amélioration des politiques et actions en faveur de la biodiversité.
D’après ce rapport, « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine ». 5 grandes causes globales de la perte de biodiversité ont été identifiées : la destruction de l’habitat, les espèces envahissantes, la pollution, le changement climatique et la surexploitation des espèces. Toutes sont d’origine humaine. Les mauvaises pratiques agricoles, le changement d’usage des terres et la pêche abusive contribuent à l’accélération du taux d’extinction des espèces, alors qu’il est déjà dix à cent fois plus élevé que la moyenne de ces dix derniers millions d’années.
« Les trajectoires actuelles ne permettront pas d’atteindre les objectifs mondiaux visant à conserver et exploiter durablement la nature ».
Plusieurs estimations sur le déclin de la biodiversité sont citées :
- Sur les 8 millions d’espèces animales et végétales sur Terre environ, 1 million est menacé d’extinction
- Parmi les 5,9 millions estimés d’espèces terrestres, plus de 500 000 ont leur habitat naturel dégradé, ce qui menace leur survie sur le long terme, et font d’eux des « espèces mortes ambulantes » si rien n’est fait
- 10 % des espèces d’insectes sont également menacées
- Plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture avaient disparu en 2016 et 1000 races de plus sont menacées
- 75 % de la surface terrestre est considérablement altérée (impacts cumulatifs croissants sur 66 % de la surface de l’océan et perte de 85 % de la superficie des zones humides)
En ce qui concerne les forêts, il est estimé que, depuis l’ère préindustrielle, un tiers de la superficie forestière mondiale a disparu, principalement au profit de l’agriculture (élevage, huile de palme, etc). Les régions les plus touchées sont les forêts tropicales d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est. Or ces forêts font parties des plus grands puits de carbone du monde.
Nous dépendons énormément de la biodiversité : 75% des cultures vivrières mondiales dépendent de la pollinisation, 4 milliards de personnes utilisent des médecines naturelles, le bois de chauffage est une source d’énergie primaire pour de nombreuses personnes, des écosystèmes équilibrés permettent le maintien de la qualité de l’eau et de l’air. Nous ne pouvons pas dissocier la protection de la biodiversité de la lutte contre le changement climatique. Si l’on suit notre trajectoire actuelle, un réchauffement de 4,3°C sera à l’origine de la menace d’extinction pesant sur 16% des espèces. Même avec une trajectoire permettant de rester en dessous des 2°C, les aires de répartition des espèces terrestres seront réduites et des dommages irréversibles seront créés.
D’après l’évaluation de l’IPBES, en dépit des améliorations réalisées en faveur de la nature, seulement 4 des 20 objectifs d’Aichi pour la biodiversité font l’objet de réels progrès. Tous les scénarios politiques envisagés dans le rapport entraîneront des tendances négatives pour la nature jusqu’après 2050, sauf ceux qui proposent un « changement transformateur ». Des solutions sont avancées dans le rapport pour préserver la biodiversité et amorcer ce changement :
- L’adoption d’une gestion intégrée et des approches intersectorielles qui prennent en compte les compromis entre la production alimentaire et celle de l’énergie, les infrastructures, la gestion de l’eau douce et des zones côtières, ainsi que la conservation de la biodiversité
- L’évolution des systèmes financiers et économiques mondiaux, loin du paradigme actuel centré sur la croissance économique, pour des politiques futures plus durables
- Les intérêts particuliers doivent être dépassés pour l’intérêt général
Nous pouvons ajouter à cela la protection et la restauration des puits de carbone (océans, forêts, sols…), la gestion durable des terres (lutte contre la déforestation…), la mise en place de pratiques agroécologiques et le respect des savoirs autochtones. Selon les chercheurs du CNRS, deux mesures sont essentielles à prendre : l’information de la population combinée à l’éducation de la nouvelle génération et l’arrêt des financements aux programmes agissant au détriment de la biodiversité (énergies fossiles, pêche non durable…). En plus de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, ces solutions peuvent contribuer à l’amélioration de la qualité de l’eau et du sol, du bien-être de l’humanité, de la santé et à la diminution de l’insécurité alimentaire.
Il est peut-être trop tard pour les espèces qui ont déjà totalement disparu, mais on peut encore agir pour les autres en arrêtant la pression que l’on exerce sur elles et leurs habitats. Aujourd’hui, 8 milliards d’euros par an sont affectés au niveau mondial à la protection de la biodiversité, alors que les experts estiment qu’il en faudrait entre 200 et 300 milliards. Il faut que la société civile et les entreprises s’emparent du sujet, s’engagent en faveur de la biodiversité, agissent à leur échelle et fassent pression sur les gouvernements.
Charlotte SITZ, Consultante Biodiversité
Sources :
- FRB
- Consoglobe
- Le Monde
- Actu environnement