Les entreprises face au défi climatique
En 2015, la COP 21 a réuni près de 150 chefs d’États afin de définir un cadre ambitieux et mettre en place des solutions dans la lutte contre le changement climatique. Souvent cités comme un tournant historique pour la cause environnementale, les Accords de Paris qui ont suivi cette convention ont laissé émerger beaucoup d’espoirs pour la communauté internationale et les défenseurs de l’environnement. En effet, tous les pays signataires se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de manière significative. L’objectif principal qui est ressorti de cet événement est de maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C entre la période préindustrielle (1880) et à horizon 2100.
Un accord universel, juridiquement contraignant, différencié, ambitieux.
Au-delà de leur caractère exceptionnel (le premier accord universel concernant le climat), ces accords ont eu un grand retentissement et provoqué une certaine prise de conscience de la part du grand public.
Pourquoi de « 2°C » ?
L’objectif de 2°C n’a pas été établie au hasard. Les scientifiques estiment qu’il s’agit du seuil à ne pas dépasser si l’on veut empêcher des changements climatiques irréversibles pour la planète qui bouleverseraient notre écosystème existant. Ainsi, les pays industrialisés doivent réduire de plus de 80% leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’époque préindustrielle.
Par ailleurs, les pays du Sud, les plus sévèrement touchés par les conséquences du changement climatique, ont insisté lors de la COP21 sur la nécessité de privilégier un objectif de 1,5°C en indiquant que l’objectif de 2°C n’était pas suffisant.
« Selon un certain nombre d’études scientifiques publiées récemment, de nombreuses preuves montrent désormais que les risques de changement climatique sont bien moindres lorsque la hausse de température est limitée à 1,5 °C, par rapport à une hausse de 2 °C ». Bert Metz, membre de la European Climate Foundation et ancien co-président du groupe de travail III du GIEC sur l’atténuation du changement climatique.
Trois ans après, où en est-on ?
Les derniers rapports montrent un écart important entre les engagements pris par les États et les mesures et actions mises en place jusqu’à maintenant pour respecter cette trajectoire 2°C. D’autres signes négatifs ont été envoyés de la part de grandes puissances : la relance de la filière du charbon aux USA, la démission du ministre de la transition écologique et solidaire en France ou encore l’ex-Premier ministre australien, signataire des Accords de Paris, qui a décidé de faire machine arrière et appelle à sortir des engagements.
L’urgence de la situation et ces derniers événements témoignent de la nécessité d’aller plus loin. Cela démontre aussi le besoin de définir des objectifs tangibles, différenciés et adaptés à l’échelle des entreprises. C’est un appel à une prise d’initiative de la part du secteur privé sur cette thématique. D’ailleurs, de nombreux acteurs ont pris conscience de l’importance liée à ces enjeux climatiques et se sont déjà lancés vers une économie bas carbone. Par exemple, We Mean Business est une coalition regroupant plus de 700 entreprises mondiales qui ont annoncé des engagements ambitieux sur leur action climatique.
Concrètement, comment s’aligner sur cette trajectoire 2°C ?
Pour respecter l’objectif ambitieux inscrit dans ces fameux Accords de Paris, le GIEC (Groupe d’Intervention sur l’Évolution du Climat) a déterminé un Budget Carbone pour la planète. Il correspond à une quantité maximale de gaz à effet de serre que nous pouvons encore émettre pour ne pas dépasser une hausse de 2°C de la température moyenne globale. Basées sur ces résultats et sur ces données, des initiatives provenant de puissants acteurs environnementaux sont apparues afin d’aider les entreprises à répondre à ces enjeux.
SBTi et ACT, deux méthodologies complémentaires.
Depuis 3 ans, le SBTi (Science-Based Target initiative) tente de mobiliser les entreprises à s’engager afin de répondre à cet objectif mondial. Cette initiative est formée par des membres du CDP (Carbon Disclosure Project), du UN Global Compact, du World Resources Institute (WRI), du WWF (Wide Fund for Nature) et du We Mean Business. S’appuyant sur les prédictions établies par le GIEC, le SBTi est un ensemble d’outils qui permettent de calculer les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre que les entreprises doivent adopter afin de répondre aux attentes de la trajectoire 2°C. Les entreprises peuvent ainsi se fixer des objectifs ambitieux et précis pour s’aligner sur cette trajectoire à moyen et long terme. Les entreprises qui passent à l’action sont de plus en plus nombreuses. Aujourd’hui, plus de 470 entreprises se sont engagées dans la démarche, et plus de 120 entreprises ont déjà vu leurs objectifs validés par le comité du SBTi.
En parallèle, l’ADEME et le CDP ont développé une méthodologie permettant d’évaluer la cohérence des stratégies des entreprises sur la trajectoire 2°C. La méthode porte ainsi sur les objectifs liés aux émissions de gaz à effet de serre et son plan d’action associé (état d’avancement et sa cohérence). À l’heure actuelle, cette méthodologie est toujours en phase d’expérimentation. Après une première phase dédiée à une étude sectorielle (automobile, électricité, commerce), la phase actuelle porte sur une évaluation des PME et des ETI. À terme, cette méthodologie va permettre de définir si la stratégie d’une entreprise est alignée sur la trajectoire 2°C et quels aspects l’entreprise doit améliorer afin d’y parvenir.
Paul MADOZ – Consultant RSE