climat | 04/05/22

Neutralité Carbone & Communication Responsable

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Cadre juridique, risque réputationnel et bonnes pratiques à adopter

Comment une organisation peut-elle communiquer pour valoriser ses actions, ses équipes et son image, sans tomber dans le « greenwashing », tout en répondant aux attentes de ses parties prenantes, à la fois sensibles et méfiantes au sujet des enjeux écologiques ?

« Territoire neutre en carbone », « événement neutre en CO2 », « produit zéro carbone »… Ces termes fleurissent de plus en plus dans les communications des organisations et dans les discours de leurs représentants. Adossé à des problématiques complexes, telles que le changement climatique ou l’érosion de la biodiversité, le concept de neutralité carbone semble aujourd’hui faire l’objet d’une utilisation déraisonnée, rendant ses contours poreux, et allant même jusqu’à fausser la véracité des discours. Comment la loi encadre-t-elle aujourd’hui l’utilisation de l’argument de neutralité carbone ? Comment communiquer sur les actions mise en place par son organisation en matière d’environnement sans tomber dans le « greenwashing » ?

 

« Neutralité carbone » : un cadre juridique souple

Jusqu’à très récemment, aucune loi n’encadrait l’utilisation de l’argument de neutralité carbone par les organisations. Si les institutions nationales et internationales affichaient fièrement leurs engagements en matière de neutralité carbone pour les années à venir, aucune ne délimitait clairement les contours de ce concept (champs d’application, méthodologie de calcul, etc.) et les règles de communication associées. Dans ce contexte, les allégations en matière de neutralité carbone se sont multipliées : « pays climatiquement neutre », « voiture zéro carbone », « eau certifiée neutre en carbone » etc. Ainsi, des continents, pays, secteurs, ville, et même des produits et services, ont progressivement habillé leurs communications de ce concept.

L’évident besoin de structuration autour de la neutralité carbone a donné lieu à d’intenses réflexions. En 2021, la Loi Climat & Résilience a finalement fait de ce sujet un enjeu de droit, en lui consacrant un article entier. Beaucoup se sont ainsi félicités de découvrir qu’avec l’article 12, il était dorénavant « interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente » sans rendre publics un certain nombre d’éléments. Or, non seulement les exigences associées à ces éléments sont très insuffisantes mais aucun décret d’application ne permet aujourd’hui d’appliquer cette loi (par ailleurs très permissive). Le Ministère de la Transition écologique a ainsi lancé une consultation publique sur un projet de décret d’application, qui s’est terminée en février 2022, et qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Sans grande surprise, ce décret est lui aussi très décevant, puisque fixant des critères très peu contraignants et laissant béantes d’immenses failles concernant la communication autour de la neutralité carbone.

En résumé, une entreprise pourra se contenter de « compenser » les émissions de CO2 associées à son produit ou service (une solution en aucun cas pérenne face au changement climatique) pour se targuer d’être neutre en carbone, et ce, sans même se soucier de l’intérêt écologique de son projet de compensation : par exemple, une voiture pourra être « neutre en carbone » si son fabriquant « compense » les émissions de GES qui lui sont associées en plantant des palmiers en Norvège. Parallèlement à cela, et notamment du fait de son utilisation, cette fameuse voiture dite « neutre en carbone » continuera d’être à l’origine d’émission du CO2 dans l’atmosphère.

 

La multiplication de fausses allégations par les organisations

Nombreuses sont les organisations qui profitent de cette souplesse, pour ne pas dire « de ce vide juridique », pour porter de fausses allégations. Avec le décret à venir, elles pourront a priori continuer de le faire. Or pour l’ADEME, ces arguments peuvent « tromper le public, freiner des changements de comportements et provoquer des effets rebonds négatifs. Ils empêchent aussi de mettre en avant les acteurs qui font preuve de sincérité et s’investissent réellement pour le climat. »

ONG, associations et citoyens : des acteurs mobilisés contre le greenwashing

Si le risque juridique est aujourd’hui encore relativement faible (malgré certaines avancées en matière de greenwashing), le risque réputationnel pèse, lui, de plus en plus sur les organisations. Celles-ci peuvent compter sur la société civile, les ONG, et les associations pour exercer une certaine vigilance à propos de leurs allégations, notamment en matière de neutralité carbone.

Le 2 mars 2022, Greenpeace, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à tous ont par exemple déposé un recours en justice contre l’entreprise Total-Energies pour « pratiques commerciales trompeuses ». La multinationale du pétrole affirme en effet, dans une campagne de communication massive, avoir l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Un peu plus tôt, début février, le NewClimate Institute et l’ONG Carbon Market Watch publiaient un rapport mettant en lumière le fait que 25 grandes entreprises comme Carrefour, Apple, Unilever ou Ikea mettaient en avant des objectifs de neutralité carbone inatteignables aux vues des engagements pris dans chacune de ces structures.

 

Alors, comment communiquer ?

La question se pose alors : comment une organisation peut-elle communiquer pour valoriser ses actions, ses équipes et son image, sans tomber dans le « greenwashing », et en répondant aux attentes de ses parties prenantes, à la fois sensibles et méfiantes au sujet des enjeux écologiques ?

La meilleure réponse à apporter à cette question est d’allier engagement et transparence, en adoptant une communication responsable : pertinente, légitime, transparente, pédagogique, et sincère. Au sujet de la neutralité carbone, l’ADEME a publié un avis très pertinent dont nous avons ici, et avec nos fiches pratiques, synthétisé les principales recommandations :

La première chose à garder en tête est que « l’objectif de neutralité carbone, défini comme l’équilibre arithmétique entre les émissions et séquestrations anthropiques de gaz à effet de serre, n’a réellement de sens qu’à l’échelle de la planète. Cette définition de neutralité carbone ne doit pas s’appliquer à une autre échelle : territoire infranational, organisation (entreprises, associations, collectivités), produit ou service etc. » Les organisations doivent « se défaire de l’approche purement arithmétique de la neutralité et ne pas focaliser leur communication sur la prétendue neutralité de leur territoire, activité, produit ou service ». Il convient au contraire de « communiquer de façon transparente, proportionnée et distincte sur les différents leviers de contribution à la neutralité carbone collective ».

Roxane DAUBIÉ – Consultante développement durable

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