climat | 02/02/22

Dégel du pergélisol en Arctique : Pourquoi ça nous concerne ?

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Pourquoi étudier le dégel du pergélisol ?

 

Le réchauffement climatique et le surplus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère déséquilibrent nos écosystèmes et ont des conséquences multiples, tant environnementales que socio-économiques. Ce changement brutal entraîne une instabilité et la nécessité d’une adaptation radicale. Afin d’en limiter l’impact, nous devons tendre vers un monde à zéro émission de gaz à effet de serre. Pour mieux agir, il est important de comprendre comment fonctionne le réchauffement climatique et comment il affecte les systèmes, même si les phénomènes se produisent loin de nous, comme le dégel du pergélisol en Arctique. 

 

Qu’est-ce que le pergélisol ?  

Le pergélisol est un sol qui reste gelé pendant au moins deux ans. Le pergélisol actuel s’est formé pendant les périodes glaciaires et couvre environ 24 % de la surface de l’hémisphère Nord. Il est abondant dans les régions polaires et constitue même une des caractéristiques principales de cette région. Avec le réchauffement climatique et des températures de plus en plus douces dans le Grand Nord, le pergélisol dégèle progressivement avec de nombreuses conséquences néfastes sur l’environnement et les populations locales. Ces conséquences varient en fonction du type de sol de la région, puisque le pergélisol se différencie dans sa continuité, sa profondeur et sa richesse en sédiments ou autres composés tels que le mercure, le carbone ou encore le méthane.

 

Pourquoi s’intéresser à une région polaire si éloignée de nous ? 

Il convient de rappeler que l’Arctique se réchauffe bien plus rapidement que toute autre région du globe. De plus, avec ses caractéristiques physiques, l’Arctique est un élément indispensable au refroidissement de la Terre. Plus il fait chaud – plus l’Arctique se réchauffe, plus l’Arctique se réchauffe – plus il fait chaud. Cette amplification du réchauffement climatique s’appelle une boucle de rétroaction positive. En d’autres termes, tout ce qui se passe dans l’Arctique a des conséquences sur le monde entier.

Le pergélisol est un puits de carbone très important, car il contient une très grande quantité de matière organique qui a été piégée pendant des milliers d’années. Son dégel est un exemple de boucle de rétroaction positive, car lorsque cette matière organique dégèle, elle se décompose et libère dans l’atmosphère des gaz à effet de serre tels que le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2). Les scientifiques ne sont pas certains de la quantité exacte de cette matière organique, mais le rapport du GIEC, sur l’océan et la cryosphère, estime qu’elle représente près du double de la quantité de carbone présente dans l’atmosphère. Le rapport indique également qu’outre l’instabilité des sols, le dégel du pergélisol modifie le système hydrologique, ce qui a des répercussions sur les espèces et les écosystèmes terrestres et d’eau douce dans les régions polaires et de haute montagne.

 

Une des principales conséquences du dégel : Erosion côtière et instabilité des sols  

Le dégel du pergélisol entraîne une forte instabilité des sols, ce qui pose de réels problèmes de construction et fragilise les infrastructures déjà en place. Il est important de noter que l’Arctique n’est pas un territoire vierge, il est habité par 4 millions de personnes et est riche de ressources halieutiques, en hydrocarbures, et en terres rares, dont dépendent les Européens. Les infrastructures présentent en Arctique sont industrielles (pipelines, plateformes d’extraction de gaz et de pétrole), de transports (chemins de fer, ports, routes, routes d’hiver, etc.) et urbaines (maisons, écoles, hôpitaux, etc.). L’étude sur les risques des infrastructures dans l’Arctique montre que 70% des infrastructures actuelles sont situées dans des zones à fort potentiel de dégel du pergélisol proche de la surface, c’est-à-dire à risque éminent.

De nombreuses communautés situées sur des îles ou des régions côtières de l’Arctique sont menacées par l’érosion et la perte de terres. De nombreuses communautés sont contraintes de se déplacer vers l’intérieur des terres ou même de quitter leur habitat. Il en va de même pour les régions à pergélisol continu, comme la ville de Yakutsk (Russie), où de nombreux bâtiments, pourtant construits sur pilotis, risquent un effondrement.

 

Risque sanitaire 

Dans les sols du pergélisol, les scientifiques ont trouvé également du mercure, qui, mélangé avec la matière organique, devient un puissant neurotoxique1. De plus, le mercure a le potentiel de s’accumuler dans les écosystèmes aquatiques, ce qui pourrait contaminer d’abord les poissons, les végétaux, les animaux terrestres puis l’Homme. Une étude a démontré que pour un scénario à forte émission (RCP 8.5), les impacts liés à la contamination seront important, cependant ils seront minimes avec une stabilisation des émissions avant 2100 (RCP 4.5)2. D’un point de vue économique, la pêche est l’un des secteurs d’activité principaux de certaines régions et pays arctiques, une très forte contamination pourrait avoir des répercussions graves sur la santé humaine ainsi que sur l’économie et la société de nombreux pays.

Un autre risque et pas des moindre se pose en Arctique. Certains virus peuvent survivre au gel pendant des milliers d’années. Lorsque le pergélisol dégèle, les micro-organismes qui étaient auparavant en sommeil peuvent être libérés et devenir actifs. Certains micro-organismes peuvent être des agents pathogènes, qui peuvent infecter et potentiellement causer des maladies graves aux animaux, aux plantes et à l’Homme avec des impacts majeurs sur la santé publique, le bien-être socio-économique et les écosystèmes naturels3.

 

La présence du pergélisol ailleurs qu’en Arctique 

Le pergélisol ne se trouve pas seulement dans l’Arctique. Les chaînes de haute montagne sont également menacées de dégel. Le rapport de 2019 du GIEC, aborde la question du dégel du pergélisol tant dans les régions polaires que dans les hautes montagnes. Les scientifiques prévoient que la couverture neigeuse, les glaciers et le pergélisol devraient continuer à diminuer dans presque toutes les régions au cours du XXIe siècle. L’épaisseur de la neige à basse altitude devrait diminuer de 37 à 57 % pour le scénario à fortes émissions (RCP8.5). Les mêmes conséquences pour les écosystèmes et pour la sécurité humaine peuvent alors survenir dans nos territoires. Les glissements de terrain et les avalanches devraient se produire dans de nouveaux endroits et à des saisons différentes. L’exposition des personnes et des infrastructures aux risques naturels a augmenté en raison de la croissance démographique et du développement socio-économique.

Mais tous les espoirs n’ont pas disparu. Le fait de surveiller de près les amplitudes, la vitesse du dégel et ses conséquences nous permet de trouver des solutions d’adaptations efficaces. Nous pouvons encore limiter l’impact des phénomènes climatiques tels que le dégel du pergélisol. Notre seul moyen est de limiter nos émissions autant que possible et respecter au maximum les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

 

1 Schaefer, Kevin, et al. “Potential Impacts of Mercury Released from Thawing Permafrost.” Nature Communications, vol. 11, no. 1, Sept. 2020, p. 4650 
2  Etude sur les diffusions du mercure dans le bassin de Yukon (Arctique canadien)
3 Christie, A. (2021). Blast from the Past: Pathogen Release from Thawing Permafrost could lead to Future Pandemics. Cambridge Journal of Science and Policy

 

Alexandra PARIS – Chargée de communication

 

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