biodiversite | 12/05/20

Forêt Miyawaki

foret-miyawaki

Le climax est l’état théorique d’un écosystème arrivé au stade de richesse et de complexité maximale qu’il puisse atteindre sur un terrain et dans un climat donné. Cette théorie du climax, notamment en terme de forêt, est nuancée par la communauté scientifique puisque rien ne permet d’affirmer qu’un système naturel stable soit à l’abri de perturbations naturelles. Cependant, on utilise aujourd’hui cette notion par commodité pour montrer la possibilité d’aboutissement des cycles biologiques.

La forêt climacique, que l’on pourrait aussi qualifier de forêt primaire, ne subsiste en Europe qu’a l’état de vestiges, sur les plus hautes montagnes où la difficulté d’exploitation l’a protégée des appétits humains. On trouve de ces forêts primaires dans les Carpates (écorégion qui s’étend de la République Tchèque à la Roumanie), mais aussi à la frontière polono-biélorusse où la forêt de Bialoweza apparait comme un témoignage d’une forêt beaucoup plus vaste qui couvrait le Nord de l’Europe jusqu’à la Haute Antiquité. En France, seuls quelques hauts sommets des Alpes et des Pyrénées qui ont pu échapper aux défrichements et pâturages humains peuvent être considérés comme tels.

Le stade de climax forestier peut présenter un certain nombre d’avantages. Si la diversité de milieux différents, ouverts et fermés qui cohabitent au sein des écosystèmes sont souvent propices au développement d’une grande diversité naturelle, une forêt climacique non exploitée ou une ancienne foret exploitée retournant peu à peu à l’état sauvage sont des refuges pour une foule d’oiseaux, d’insectes mais aussi d’êtres vivants invisibles, des microorganismes aux champignons connectés aux racines des végétaux. Les vieux arbres et le bois mort dont on a tendance à débarrasser les forêts d’exploitation permettent à différentes espèces d’oiseaux et de chauves-souris de nicher en sécurité. Tombé à terre, ce bois va permettre d’enrichir le sol et contribuer à la diversité fongique de la forêt. Largement sous-estimé, la santé du sol, des champignons et micro-organismes qui la composent sont primordiaux pour quiconque s’intéresse à la biodiversité.

Si la forêt gagne du terrain en France depuis la déprise agricole des deux derniers siècles, la qualité de celle-ci en termes de diversité naturelle laisse à désirer. Les grandes forêts exploitées qui se composent souvent d’une ou deux espèces d’arbres sont moins propices à l’épanouissement de la faune. Alors que l’artificialisation des sols progresse, que l’on comprend de mieux en mieux le rôle complexe des forêts dans la lutte contre les bouleversements climatiques, planter des arbres devient une volonté de plus en plus communément partagée.

 

Mais comment rendre ce geste utile lorsqu’on dispose seulement d’une petite surface de terrain ?

Une petite surface plantée, à partir de 100m2 (6 places de parking), selon une technique japonaise, permet de développer la biodiversité y compris sur une surface réduite. Akira Miyawaki, botaniste japonais expert en écologie végétale né en 1929, l’a compris par l’observation minutieuse de la végétation entourant les temples et cimetières traditionnels. Ces zones sacrées protégées depuis des siècles présentaient un type de végétation autochtone différentes des forêts environnantes. Interloqué par cette différence, Miyawaki est arrivé à la conclusion que la végétation des forêts avait fait l’objet d’une sélection par l’homme au cours des siècles à des buts productifs. L’étude des forêts préservées a contribué à l’émergence de la notion de végétation naturelle potentielle, qui se définit comme l’association de végétaux qui s’exprimerait naturellement dans le temps en l’absence durable d’intervention humaine.

 

La méthode Miyawaki présente le caractère fascinant d’être transposable sur l’ensemble des continents.

L’étude de la végétation naturelle potentielle d’une région donnée permet de créer un couvert forestier proche de ce que serait une forêt indigène, avec tous les avantages qui en découlent pour la biodiversité et l’Homme. La méthode à laquelle Miyawaki a donné son nom consiste à planter des graines issues d’espèces d’arbres reconnus autochtones en pépinière puis de les mettre en place sur le terrain de façon très resserrée (de 3 à 5 plants au mètre carré). L’imitation des conditions naturelles de dispersion des graines couplée à la diversité d’espèces locales permet d’obtenir une résilience écologique à l’épreuve des variations climatiques, une croissance plus rapide et une densité intéressante sur le plan esthétique. Une telle plantation et demande peu d’entretien si ce n’est un léger arrosage les premières années. Cette forêt naissante protégera les sols en une vingtaine d’années alors que d’autres scientifiques estimaient auparavant qu’il fallait entre 150 et 200 ans pour reconstituer une forêt à son stade climacique par la successions de différents cycles.

Eprouvée depuis des années sur des sites industriels en Asie et en Amérique latine, la méthode Miyawaki commence à se faire connaitre en France. Nous sommes convaincus que cette méthode peut s’intégrer en périphérie des sites d’entreprise ou de terrains agricoles. La mise en œuvre est un moment fédérateur auquel peuvent se joindre salariés et volontaires pour contribuer concrètement à la préservation de la biodiversité.

 

Romain GARNIER – Consultant Biodiversité

 

Sources :

  • A. Miyawaki & E. O. Box, 1996. The Healing Power of Forests -The Philosophy behind Restoring
  • Earth’s Balance with Native Trees. 286 p. Kosei Publishing Co. Tokyo
  • A. Miyawaki (1992). Restoration of Evergreen Broad-leaved Forests in the Pacific Region. In: M.K.
  • Wali (ed.). Ecosystem Rehabilitation. 2. Ecosystem Analysis and synthesis. SPB Academic Publishing, The Hague

 

Contact

Une question ? Un projet ?

Logo ekodev

Ne manquez aucune actualité d’ekodev

S'inscrire à la newsletter